LR apaisé, PLUi aux alentours
Quatrième et dernière partie.
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Au stade de l’erreur de déplacement
Comment peut-on encore parler de « communauté » d’agglomération, ou de « collectivité » locale lorsque l’amélioration du cadre de vie d’une ville semble se faire autant aux dépens de toutes les autres communes ? C’est d’ailleurs caricatural pour ce qui est des équipements culturels de l’agglomération. Le budget 2018 tant en investissement qu’en fonctionnement ne concernait apparemment qu’une seule municipalité46, ou alors le document est très mal présenté.

Et c’est un autre paradoxe de La Rochelle qui veut éloigner le trafic routier alors qu’elle concentre les spectacles et les festivals en son sein. Les habitants d’Esnandes, de Saint-Christophe ou d’Yves ne vont pas venir à La Coursive en vélo… Et les expériences de navettes gratuites et parking relais ne fonctionnent pas lorsqu’il s’agit d’évènements qui ne durent que quelques heures, comme l’a prouvé l’expérience du Stade Rochelais puisque « 200 personnes, seulement, utilisaient ces navettes, sur 15 000 spectateurs47 ».
D’ailleurs lorsque j’ai lu sur le PLUi qu’un des grands projets avait pour avantage de mutualiser ses besoins de stationnements avec un parking-relais existant, et qu’il permettrait une bonne accessibilité depuis l’agglomération de La Rochelle (et au-delà) par la rocade, j’ai cru un instant qu’il s’agissait de remplacer le stade Marcel-Deflandre de Port Neuf par un complexe digne des ambitions du Stade Rochelais.
Ce stade est pourtant situé au milieu des habitations. Les riverains, qui ne disposent pas de garage, se retrouvent dans l’impossibilité de stationner tous les 15 jours vu que les parkings publics (dont certains sont fermés pour tous sauf pour les VIP !), la rue et les espaces vert sont submergés de voitures de spectateurs. Ce stade est également situé à proximité d’une zone SEVESO dont il se trouve être le lieu de rassemblement prévu par le Plan Particulier d’Intervention (PPI) en cas d’accident industriel48. Souhaitons que cet accident n’ait pas la discourtoisie de survenir un jour de match, parce que dans ce cas personne ne connait la marche à suivre, même pas la préfecture de toute évidence.
Pour ces raisons le PLUi aurait au moins pu caresser l’espoir d’envisager une délocalisation du stade des jaune et noir. Mais non, il s’agit du « déplacement de l’hôpital et la construction d’un nouvel équipement (…). Et c’est le site de l’actuel parc des expositions qui a eu la préférence générale. »49 Ce projet compte déjà sur « la création du nouveau Boulevard Cotte Maille (sic) », et vu que « le besoin de parking a été réaffirmé », « une approche sera faite à partir du parking Jean-Moulin50 ».
Donc un parking relais qui devait accueillir touristes et actifs de La Rochelle va devoir servir de supplétif aux besoins de stationnement du futur Groupe Hospitalier de la Rochelle-Ré-Aunis. Et un boulevard qui devait soi-disant apaiser le trafic à Aytré va devoir soulager le trafic supplémentaire engendré par le nouvel hôpital du côté de Villeneuve Les Salines et de l’Avenue Jean-Paul Sartre.
Les projets ne sont même pas terminés que déjà les arguments figurant dans le PLUi qui sont censés les justifier se trouvent être inexacts et incomplets.
Un risque juridique

Le PLUi, un grand saut dans l'inconnu juridique.
Au niveau national et pour la première fois, la responsabilité de l’Etat a été reconnue dans son incapacité à lutter contre la pollution de l’air51. Il ne faudrait pas qu’un jour l’agglomération se voit poursuivie en justice sur la base d’un PLUi mal ficelé fait de concertation relative, de justifications trompeuses, d’orientations contradictoires, et de mauvaise foi dans ses objectifs.
Parce qu’il parait évident que les documents que produit l’agglomération se contredisent autant sur la forme que sur le fond. Par exemple le PLUi dit « épouser le SCoT dans un rapport de compatibilité ». Néanmoins il classe en zone UU4 les bords du canal de Rompsay52, dans le prolongement de l’emplacement du futur Conservatoire de Musique et de Danse, ce qui laisse supposer des hauteurs de constructions à venir « inférieure ou égale à 26 mètres (RdC+7 niveaux)53 ». Mais dans la perspective de « faire évoluer l’habitat », le SCoT a pour objectif d’aboutir à des projets immobiliers « à architecture plus compacte et respectueuse des échelles urbaines et villageoises54 ». Alors la question légitime est celle qui consiste à savoir, d’un point de vue de l’échelle urbaine avoisinante, où est-ce qu’on trouve des immeubles de 7 étages qui justifieraient l’érection d’édifices d’une telle altitude? Il faut savoir que l’on parle là de projets de bâtiments à proximité du canal de Rompsay55 d’une hauteur similaire à celle dont s’élancent les plongeurs de haut vol depuis la tour Saint Nicolas…
Vous vous souvenez certainement de la polémique qui a eu des répercussions jusque dans le quotidien local au sujet de la résidence Prestige56. Un immeuble à trois étages pour 18 appartements qui est en train de remplacer une charmante villa à pignon à l’heure où j’écris ces lignes. Si le PLUi avait existé à l’époque, il aurait certainement classé cette unité foncière dans la liste des « gisements fonciers en intensification », et plus précisément des « parcelles bâties (en secteur résidentiel) » qui « peuvent évoluer en se densifiant ». Le problème, comme dans le cas du Prestige, c’est que cela se fait aux dépens des riverains qui n’obtiennent que très rarement gain de cause, et qui se retrouvent avec des voisins qui ont une vue plongeante sur leurs résidences et leurs jardins. C’est la fin de l’intimité et de la vie privée pour toutes les victimes de l’« intensification ». Sachez que dans le PLUi, il est indiqué que « certaines de ces 56 000 unités foncières peuvent évoluer en se densifiant57 », sans pour autant indiquer combien et lesquelles !

Mais face à la perspective de manne financière que représente la destruction d’une villa au profit d’un immeuble de plusieurs étages, autant pour le promoteur que pour le propriétaire, il n’est pas déraisonnable de craindre une transformation radicale de certains quartiers qui, après moult péripéties judiciaires, vont progressivement perdre leur charme, leur authenticité, et leur qualité de vie. De plus c’est un effet domino auquel il faut s’attendre de la part des propriétaires de maisons individuelles restantes. Ces dernières, submergés par les immeubles, auront perdues une bonne partie des avantages de leur caractère privatif, et donc forcément de leur valeur, mis à part si elles laissent leur place au bénéfice d’un habitat collectif, c’est-à-dire d’un autre immeuble… Quant aux propriétaires de la maison disparue, ils auront ainsi trouvé les moyens pour aller vivre un peu plus loin, dans une autre maison.
Dans le texte regroupant la « justification des choix59 » du PLUi, on trouve plus de 700 occurrences en rapport avec la « construction », et moins de 200 pour le mot « environnement »60. Lorsqu’on rentre dans le détail, et à la lumière de ce qui précède, on reste dubitatif face aux justifications du PADD sous l’intitulé « Accessibilité et nouvelles mobilités du territoire pour faciliter le développement de l’agglomération »: « Dans le but de réduire l’étalement urbain, la consommation de terre agricoles et de rapprocher les actifs de lieux de travail l’objectif du PADD et (sic) de mieux articuler urbanisation et déplacement, notamment en organisant les extension urbaines et la densification des tissus des urbanisés en lien avec le réseau de transport.61 »
On regrettera que la réduction de « consommation de terre agricole » et la « densification » concernent moins les infrastructures routières que les maisons individuelles, et ne nous épargnent pas le projet de boulevard des Cottes-Mailles, le projet d’échangeur de Fief Rose à Lagord ou le grand contournement Est par le prolongement de la RD9. De plus, cette « densification », qui n’est en fait qu’un retour à la collectivisation de l’habitat, n’aura pour conséquence sur la « mixité sociale », concept répété à satiété dans le PLUi, que de concerner seulement ceux qui n’ont pas eu les moyens de la fuir.
Les précédents nous montrent qu’il faut s’attendre à ce que l’argent de la collectivité, donc le nôtre, et autant celui des promoteurs que des propriétaires, se perde dans des frais de justice que laisse supputer l’intensification. Pour éviter ce gâchis d’argent et une dénaturation urbaine, au-delà de l’hyper centre rochelais et quelques autres rares lieux sanctifiés, il suffirait d’ores et déjà d’apporter les corrections qui s’imposent au Plan Local d’Urbanisme intercommunal de l’agglomération de La Rochelle. Ce travail nécessaire permettrait de reporter l’approbation définitive du PLUi finalisé prévue en décembre 2019. Les citoyens de l’agglomération bénéficieraient ainsi d’une véritable concertation démocratique par le biais d’une campagne électorale pour les municipales qui servirait de grand débat sur ses orientations, et l’élection en 2020 de référendum.
L’heure du choix
Il faut briser ce cercle vicieux qui consiste à développer l’attractivité d’une ville qui ensuite n’assume pas les conséquences de son succès.
Alors soit il faut développer sérieusement les alternatives à la voiture, parce que rentrer à Vérines en bus après avoir passé la soirée aux Francofolies c’est un peu compliqué, et que faire le trajet Port Neuf - Puilboreau en voiture ça prend 10 minutes alors qu’en bus il faut une heure, et faire ses courses en vélo ou en bus ce n’est pas très commode. Ignorer ces réalités témoigne d’une certaine hypocrisie à vouloir faire comme si la fréquentation des activités économiques et culturelles aurait autant de succès si la voiture disparaissait du jour au lendemain.
Soit il faut en finir avec l’autophobie qui fait de l’automobiliste la victime collatérale des municipalités qui ne cherchent qu’à se donner une apparence de conscience écologique. Ce sont davantage des retombées électorales pour une minorité, que d’un bénéfice environnemental pour l’agglomération, auxquelles il faut s’attendre en déplaçant les problèmes plutôt qu’en y apportant de vraies solutions pérennes.
A l’avenir les élus devront avoir une vision plus large, plus généreuse, plus cohérente et plus durable. Ils devront multiplier les grands projets qui dispersent l’activité sur l’agglomération. Ils devront non seulement anticiper les conséquences du changement climatique, mais aussi faire en sorte que les communes qui forment la couronne des 10 kilomètres, donc bien au-delà du « dernier kilomètre », ne soient pas reléguées au rôle de cité-dortoir des travailleurs de La Rochelle. Ils devront faire en sorte que la majorité des communes de l’agglomération ne constituent pas uniquement l’arrière scène à la merci de la santé économique de la belle et rebelle et de ses proches environs, où l’on repousse tout ce qui n’est pas « zéro carbone », mais qui demeure malgré tout bien utile, notamment pour la fiscalité locale, et donc le budget de l’agglomération. Ils ne devront pas confondre intercommunal avec unicommunal, et arrêter de ne jurer que par le seul « souffle de l’esprit communautaire62 » lorsque celui-ci s’oriente bien trop souvent dans le même sens. Enfin ils devront être honnête avec l’opinion publique pour obtenir son approbation et sa participation, sans chercher à tordre le bras à la majorité en extrapolant l’avis d’une minorité pour tenter de fabriquer le consentement.
Post-scriptum :
A ceux qui trouveraient que je ne suis pas assez positif dans mon avis sur le PLUi, et qu’il y a aussi des bons côtés, je leur conseille de lire l’avis du Département de la Charente-Maritime63. Ce dernier ne contient qu’« observations », « recommandations », et aucune louanges sur les éventuels aspects positifs du projet.
A ceux qui se demandent d’où j’écris et qui je suis pour juger le PLUi, je répondrai qu’en tant que résidant de La Rochelle, je m’inscris dans la démarche de l’agglomération qui, du 19 juin au 26 juillet 2019, organise une enquête publique dans ses 28 communes afin que ses habitants puissent donner leur avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal.
Du 19 juin au 26 juillet 2019, vous pouvez donner votre avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) par le biais d’une enquête publique qui a lieu dans les 28 communes de l’agglomération de La Rochelle.
46 Présentation budget primitif 2018, CdA La Rochelle, page 20 – https://www.agglo-larochelle.fr/documents/10839/11946034/Pr%C3%A9sentation+Budget+Primitif+2018/cbf710b0-3563-40dc-8810-d6be58481de7?version=1.1
47 « Stade Rochelais : la fin des navettes gratuites pour aller au stade », Sud Ouest, publié le 4 septembre 2015 – https://www.sudouest.fr/2015/09/04/stade-rochelais-les-navettes-gratuites-pour-aller-au-stade-c-est-termine-2114577-4568.php
48 Voir la plaquette concernant le PPI Rhodia Opérations (Groupe Solvay) sur le site de la Mairie de La Rochelle – https://www.larochelle.fr/prevention-et-securite/risques-majeurs/risques-technologiques.html
49 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation 1.4 Justification des choix, p. 12.
50 « A La Rochelle, emplacement déterminé pour le Nouvel Hôpital », par GHT Atlantique 17, réseau Hôpital et GHT, publié le 20 août 2018 – https://www.reseau-hopital-ght.fr/actualites/gestion-performance/reconstruction-modernisation/a-la-rochelle-emplacement-determine-pour-le-nouvel-hopital.html
51 « Pollution de l'air : la justice reconnaît une "faute" de l'Etat », par la rédaction d’Allodocteurs.fr France Télévisions, 26 juin 2019 – https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/pollution-de-l-air-la-justice-reconnait-une-faute-de-l-etat_3508251.html
52 Voir plan 2G04 dans le plan de repérage dynamique web – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34662/5.2.0%20Plan%20de%20rep%C3%A9rage%20dynamique%20-%20web
53 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 5 : Règlement 5.1 Règlement écrit, 5.1.4 Zones Urbaines, 3.5 Dispositions réglementaires du secteur UU4, p. 226 – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34665/5.1%20R%C3%A8glement%20%C3%A9crit
54 Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de la Communauté d’agglomération de La Rochelle, PROJET D’AMÉNAGEMENT ET DE DÉVELOPPEMENT DURABLE, DOSSIER APPROUVÉ, CONSEIL COMMUNAUTAIRE 28 AVRIL 2011, COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DE LA ROCHELLE, page 65 – https://www.agglo-larochelle.fr/-/un-scot-commun-la-rochelle-aunis
55 Plus de détail sur le projet dans mon article en date de mai 2016 : « La Rochelle transgresse le SCoT » – http://fabricerestier.free.fr/ilot_joffre.html
56 « Projet d’immeuble sur la corniche de Port-Neuf à La Rochelle : prestige ou verrue ? », par Christiane Poulin, Sud Ouest, publié le 22 janvier 2013 – https://www.sudouest.fr/2013/01/22/prestige-ou-verrue-941815-650.php
57 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation 1.2 Analyse des capacités de densification, page 20 – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34477/1.2%20Analyse%20des%20capacit%C3%A9s%20de%20densification
58 « Nous voulons résolument nous orienter vers un urbanisme qualitatif et négocié avec les aménageurs », Antoine Grau, Vice-président en charge du PLUi et des projets urbains, Maire de Lagord, dans le Point Commun, le mag de l’agglo rochelaise, n°111, juillet 2019, page 17 – https://www.webalbums.fr/cda_lr/pointcommun_111/16/
59 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation 1.4 Justification des choix.
60 Vous pouvez réaliser l’expérience vous-même avec le logiciel Repetition Detector – http://www.repetition-detector.com/?l=fr
61 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation 1.4 Justification des choix, p. 10.
62 « Le souffle de " l’esprit communautaire " », par Frédéric Zabalza, Sud Ouest, 24 mai 2019.
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