LR apaisé, PLUi aux alentours
Comment goudronner plus pour circuler moins

Il y a un grand projet en cours qui est le parfait exemple de l’amalgame entre une fausse bonne idée pour améliorer la circulation et une écologie repoussoir qui refoule vers la banlieue ce que la population qui s’embourgeoise au centre (vu l’augmentation du prix de l’immobilier) ne veut plus subir. Il s’agit du nouveau boulevard des Cottes-Mailles. Présenté comme le moyen de réduire le transit sur les avenues principales d’Aytré, c’est surtout le moyen de desservir le futur pôle multimodal de la gare de La Rochelle en goudronnant une zone agricole sur 2 kilomètres, ce qui, là, ne pose aucun problème de conscience écologique à la ville aux vélos et au « zéro carbone ».
De plus il n’y aurait pas besoin de voies alternatives aux avenues existantes (du Commandant-Lysiack, Emile-Normandin, Jean-Paul Sartre, André Sautel) si tout n’avait pas été fait pour réduire la vitesse, et donc congestionner la circulation sur les voies en question. Et cette politique d’entrave à la circulation va s’accentuer puisque le nouveau boulevard des Cottes-Mailles « permettra d’ailleurs d’engager une réflexion, comme le passage de ces boulevards (les avenues existantes) à deux fois une voie, avec une voie réservée aux bus et une piste cyclable15bis ». Ou comment goudronner plus pour circuler moins étant donné que le nouveau boulevard des Cottes-Mailles ne vise pas à fluidifier le trafic, mais à le contrarier ailleurs.
Enfin cette conversion serait justifiée si au moins elle apportait une réelle plus-value d’un côté ou de l’autre de ce nouvel axe, ce qui malheureusement ne sera pas le cas.
En aval le nouveau boulevard des Cottes-Mailles ne changera rien au problème d’encombrement des Minimes, puisque les principales difficultés ont lieu avant le Rond-Point Odette Gorin en ce qui concerne la sortie sud du quartier.
En amont il n’y a que deux issues pour les automobilistes : soit replonger dans Aytré, soit sur la rocade. Le choix de la première option remet sérieusement en cause l’utilité de ce « grand projet », et celui de la seconde compliquera la circulation sur une double voie qui n’en a vraiment pas besoin. Ce nouvel afflux de véhicules provenant des Cottes-Mailles pour prendre la direction Ile de Ré viendra s’écraser sur ceux qui bouchonnent déjà en voulant sortir par la zone d’activité de Périgny pour rejoindre Bourgneuf, Montroy, Saint-Médard-d’Aunis, etc. Les autres qui désirent prendre la direction Rochefort devront faire très attention à ne pas trop se précipiter sur la voie d’accélération car 700 mètres plus loin beaucoup ont déjà du mal à emprunter la sortie souvent encombrée qui dessert la zone des Quatre Chevaliers, La Jarne, La Jarrie, Croix-Chapeau, Aigrefeuille-d’Aunis, etc.

Encore une affaire bien réfléchie qui déplace la pollution et crée deux zones de danger supplémentaire sur la rocade, ce qui ensuite justifiera la position de ceux qui, depuis déjà de nombreuses années, veulent y réduire la vitesse maximale autorisée.
Le projet d’échangeur de Fief Rose à Lagord ainsi que le grand contournement Est par le prolongement de la RD9 constitueront également un beau gâchis d’espace tout en suivant cette logique qui consiste à diminuer le nombre de voitures aux abords du Vieux port pour l’augmenter à l’extérieur de La Rochelle. Plutôt que de multiplier les infrastructures routières, l’agglomération ferait mieux d’investir dans l’entretient de la voirie existante, et ce au-delà du seul hyper centre de La Rochelle où la chaussée est intégralement refaite après la campagne de changement des canalisations, ce qui n’a par exemple pas été le cas pour la rue Marius Lacroix à Lafond et pour l’avenue Denfert-Rochereau à La Pallice, où autos, motos et vélos rebondissent tout du long sur les multiples plastrons.

L’aménagement s’impose
Au sein du PLUi figure le Projet d’Aménagement et de Développement Durables (PADD) qui définit le projet urbain et le projet d’aménagement de l’espace porté par notre collectivité. Certains des intitulés de ses 13 orientations parlent de « préservation des ressources16 » et de « faire cohabiter ville et campagne ». Le projet des Côtes-Mailles, comme celui de l’échangeur de Fief Rose à Lagord et du grand contournement Est, ne riment ni avec préservation, ni cohabitation, mais s’imposent avec agression aux espaces naturels ou cultivés qui bordent ou occupent La Rochelle.
Dans le même document on parle aussi de « protection de la santé » et de « développer le " bien vivre ensemble " ». Là encore les auteurs du PLUi imposent leur conception de la société, et un certain « bien vivre ensemble » à des familles qui n’en demandaient peut-être pas tant. Après s’être endetté sur vingt ou trente ans pour faire construire à l’écart de la ville, aux alentours de Sainte-Soulle, Châtelaillon, Périgny ou La Jarne, voilà que les familles en question se voient imposer des projets d’aménagement d’aires d’accueil de gens du voyage. D’une surface respective « d’environ » 3 800 m² et 6 300 m² pour les deux premières communes, les deux autres auront le privilège d’héberger des « aires de grand passage (…) d’une superficie respective de 3 900 m² et 3 700 m² environ17 », chacune étant « susceptible d’accueillir environ 200 caravanes18 ». D’ailleurs l’aire dit de Périgny est plus près de Saint-Rogatien à vol de chrysène, puisque situé sur la D111 juste avant l’Unité de Compostage et la Société Rochelaise d’Enrobés. En plus de l’odeur du compost et de celle du goudron, les gens du voyage pourront au moins partager avec les rogatiens ce perpétuel et prégnant intérêt de l’agglomération pour la « protection de la santé » des populations grâce à leur nouvelle cohabitation en un lieu où une « étude épidémiologique récente met en avant "un excès de risque" notamment pour les plus jeunes19 » au sujet de la leucémie…

Il faut préciser que de façon générale on ne comprend pas trop comment est gérée la problématique des gens du voyage par l’agglomération. Au moment où j’écris ces lignes, de nombreux véhicules, caravanes, et une sorte de chariot de Far West (!) occupent un champ bordant le Chemin du Puits Doux à proximité du Conseil Général. Auparavant seul le terrain stabilisé tout proche était investi. Aujourd’hui il est fermé et déserté aux dépens d’une zone classée Npis20 dans le précédent PLU, et classée Np21 dans le prochain PLUi. Ni le règlement du PLU22 d’Aytré, ni celui du PLUi23 de l’agglomération n’évoque la possibilité d’aire d’accueil pour les gens du voyage à cet endroit. Dans le PLUi il est néanmoins indiqué que « dans le secteur Np, sont admis (…) les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier (…) ». Alors si c’est cette formulation qui permet aux gens du voyage de s’installer temporairement sur ce champ, il faut s’attendre à en accueillir beaucoup d’autres étant donné le nombre de secteurs classés Np.

Le titre alambiqué du PADD (« Pour un territoire ambitieux et attractif, mettre au cœur du projet la qualité de vie, le bien vivre ensemble et la proximité ») représente assez bien son contenu, à savoir une hyperbole qui nous éloigne de l’essentiel. A moins que les conséquences des émissions de gaz à effet de serre ne soient qu’un prétexte, je m’étonne que les intentions affichées ratent à tel point la cible, ou ne se concrétisent pas davantage, étant donné l’avenir inéluctable annoncé par les scientifiques. Car ne nous leurrons pas : ce ne sont pas les quelques voitures écartées par les PLUi français, ou même l’extension de cette politique au niveau européen, qui va freiner la pollution aux Etats-Unis, en Russie, en Chine ou en Inde, à courte échéance.
Surtout lorsque les voitures chassées de l’hyper centre se retrouvent dans d’autres parties de l’agglomération en terme d’équivalent pollution comme le révèlent les orientations du PLUi.
C’est le cas à travers cette volonté de « favoriser le développement du grand-port maritime24 », lorsqu’on sait qu’ « un bateau à quai produit des rejets dans l’atmosphère équivalents à 10.000 à 30.000 véhicules, et en propulsion, 5 à 10 fois plus25 ».
C’est le cas à travers la « mesure (qui) consiste à assurer un meilleur accueil des autocars de longue distance dits "cars Macrons" 26», initiative qui a eu pour effet la multiplication de cars au diesel qui « concurrencent bien davantage le train que la voiture individuelle », et qui « ont rejeté 36 000 tonnes de CO2 de plus que leur équivalent en train27 ».
C’est le cas pour l’aéroport de La Rochelle-Ile de Ré, dont « l’agglomération entend porter une stratégie de développement pérenne (…), disposer d’une offre contribuant à l’aménagement du territoire et favorable au tourisme et au développement économique (…) », mais aussi « favoriser l’appropriation de l’aéroport par les habitants28 », et ce alors que les appareils ne sont pas une source de pollution négligeable29.
Ce dernier extrait affirme ni plus ni moins que l’agglomération travaille à l’acceptabilité sociétale de l’aéroport, ou autrement dit à fabriquer le consentement autour de cet équipement, et ce malgré les nuisances qu’il engendre et qui viennent en contradiction avec au moins un des trois éléments structurants qui guident le PLUi, à savoir « les enjeux de réduction d’émission de gaz à effet de serre30 », et avec au moins un des objectifs du Programme d’Orientations et d’Actions du PLUi, c’est-à-dire « participer à la réduction de l’exposition au bruit des riverains, améliorer la qualité de l’air31 ».
Pour accéder à la troisième partie, cliquez ici.
Post-scriptum :
A ceux qui trouveraient que je ne suis pas assez positif dans mon avis sur le PLUi, et qu’il y a aussi des bons côtés, je leur conseille de lire l’avis du Département de la Charente-Maritime63. Ce dernier ne contient qu’« observations », « recommandations », et aucune louanges sur les éventuels aspects positifs du projet.
A ceux qui se demandent d’où j’écris et qui je suis pour juger le PLUi, je répondrai qu’en tant que résidant de La Rochelle, je m’inscris dans la démarche de l’agglomération qui, du 19 juin au 26 juillet 2019, organise une enquête publique dans ses 28 communes afin que ses habitants puissent donner leur avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal.
Du 19 juin au 26 juillet 2019, vous pouvez donner votre avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) par le biais d’une enquête publique qui a lieu dans les 28 communes de l’agglomération de La Rochelle.
15bis Jean-François Fountaine, président de la Communauté d’agglomération de La Rochelle, cité dans « Deux ans de chantier », par Frédéric Zabalza, Sud Ouest, 6 juillet 2019.
16 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation, 1.4 Justification des choix, page 19 – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34478/1.4%20Justification%20des%20choix
17 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation, 1.4 Justification des choix, page 91.
18 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation, 1.4 Justification des choix, page 24.
19 « Charente-Maritime : les jeunes de St-Rogatien sont-ils plus exposés au risque de cancer ? », Par Christine Hinckel, France 3, publié le 30 octobre 2018.
20 Voir le plan du PLU d’Aytré : https://intersites.agglo-larochelle.fr/static/eturba/PLU_Dossiers/Aytre/4_Rglt/4.1_DocGraph/4.1.1_5000.pdf
21 Voir le plan du PLUi sur ce secteur : https://www.agglo-larochelle.fr/documents/10839/12403148/plan_521_2I01.pdf?version=1.0&download=true
22 Plan local d'urbanisme d’Aytré, Pièce N°4.2, REGLEMENT, page 127 – https://intersites.agglo-larochelle.fr/static/eturba/PLU_Dossiers/Aytre/4_Rglt/4.2_RgltEcrit/4.2_rgltecrit.pdf.pagespeed.ce.F-XjtS9R5Y.pdf
23 PROJET DE PLUI ARRETE PAR LE CONSEIL COMMUNAUTAIRE, Tome 5 : Règlement 5.1 Règlement écrit, page 461 – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34665/5.1%20R%C3%A8glement%20%C3%A9crit
24 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 4 : Programme D’Orientations et d’Actions (POA), page 38. – http://www.registre-dematerialise.fr/document/registerDocument/get/34498/Programme%20d%27Orientation%20et%20d%27Action%20%28POA%29
25 « Pollution, la face cachée des paquebots », par Denis FAINSILBER, Les Echos, 6 septembre 2018 – https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/pollution-la-face-cachee-des-paquebots-138106
26 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 4 : Programme D’Orientations et d’Actions (POA), page 39.
27 « Cars Macron : quand la concurrence se transforme en monopole », Par F.L., Maire Info, 5 mars 2019 – http://www.maire-info.com/urbanisme-habitat-logement/transports/cars-macron-quand-la-concurrence-se-transforme-en-monopole-article-22798
28 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 4 : Programme D’Orientations et d’Actions (POA), page 38.
29 « Aviation et pollution atmosphérique », DGAC, mise à jour du 12 juin 2019 – http://www.stac.aviation-civile.gouv.fr/fr/environnement/aviation-pollution-atmospherique
30 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 1 : Rapport de présentation 1.4 Justification des choix, page 6.
31 Projet de PLUi arrêté par le conseil communautaire, Tome 4 : Programme D’Orientations et d’Actions (POA), page 60.
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