LR apaisé, PLUi aux alentours
A défaut d’encadrer et d’harmoniser le développement durable du territoire à l’échelle des 28 communes de l’Agglomération, Le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) est surtout la cheville ouvrière du modèle de territoire « zéro carbone » qui focalisera les projecteurs, les ressources et les éventuels bénéfices quels qu’ils soient, sur l’hyper centre de La Rochelle.
C’est en 1971 qu’est née l’idée du tunnel sous le port de La Rochelle. André Dubosc, un ancien adjoint au maire qui était auparavant ingénieur au service de l’équipement, justifiait ce projet « pour éviter que les voitures n’engorgent le vieux port1 ». Aujourd’hui la façon de gérer la cité a évolué. Les élus ne cherchent plus de solutions pour satisfaire l’intérêt général. Ils se contentent de mettre en pratique une idéologie en ne regardant que les avantages, en ignorant ou en minimisant les conséquences négatives, en prenant appui sur le levier psychologique de la culpabilité pour mener leurs campagnes de communication, et en taxant les mécontents de conservateur, au mieux.
Mais ils ne résolvent pas le problème, ils le déplacent ailleurs, voir chez le voisin. Ils se servent de l’excuse écologique pour justifier leur politique et conforter leur socle électoral, mais n’anticipent en rien les vrais bouleversements environnementaux à venir.

L'axe de passage du projet de tunnel sous le port, ou plus précisemment sous le chenal de La Rochelle.
C’est ainsi que quasiment un demi-siècle plus tard, le seul remède trouvé au problème de l’engorgement automobile à La Rochelle a été celui consistant à bannir l’automobile ! Pour ce faire non seulement les tarifs du stationnement municipal ont explosé ces dernières années, mais en plus certaines places jadis gratuites sont devenues payantes, alourdissant le poids des multiples extorsions fiscales nationales que ne connait que trop bien l’automobiliste. Parallèlement la circulation des voitures a été mise en sens unique sur le vieux port en 2004, puis finalement purement et simplement interdite en 2015. La création de quelques parkings périphériques payant n’a pas compensé la disparition organisée par la ville de places de stationnements au bénéfice des piétons, équipés ou pas de divers types d’engins à roulettes, qui s’entrecroisent sur cette grande mode urbaine qu’est la réalisation minérale. Ces parvis suffocant l’été et glissant l’hiver où règne l’anarchie entre l’accro au portable qui ne regarde pas où il met les pieds, le piéton retraité hésitant, et les coursiers fendant la foule sur leurs vélos.
Dans les années 60, les magazines nous promettaient des cités traversées par des voitures volantes. Aujourd’hui le PLUi de La Rochelle donne notamment pour objectif de « doubler l’usage du vélo2 » et de « développer la marchabilité3 »… Question modernité, l’agglomération devra se contenter de néologisme.
La stratégie du dernier kilomètre

Fin des années 60, on nous promettait les voitures
volantes dans les magazines américains.
Cette politique n’a eu pour effet que d’accentuer les difficultés de déplacement des voitures dans une ville ne disposant déjà, de par sa situation en bord d’océan, que d’une ceinture routière partielle qui suit approximativement l’implantation des anciens remparts4. On constate quotidiennement des embouteillages, du quartier des Minimes (qui ne possède que deux sorties) jusqu’à l’Avenue Jean Guiton. D’un bout à l’autre de la ville vous aurez essayé en vain l’avenue Jean-Paul Sartre pour tenter de vous extraire du sud de la ville, le boulevard André Sautel pour fuir le centre, ou l’avenue du 11 novembre 1918 pour espérer quitter le nord. Mais c’est sans compter sur les encombrements qui vous rattrapent sur la rocade, elle aussi déjà sous dimensionnée alors que la ville ne cesse d’encourager l’accroissement de la zone industrielle SEVESO de La Pallice, située en bout de rocade avant le pont qui constitue le seul accès à l’île de Ré. Même Mappy en déduit qu’il faut quasiment une demi-heure pour parcourir en voiture les sept kilomètres qui séparent le quartier de Port Neuf de celui des Minimes, ou l’inverse, et encore si vous ne vous faites pas piéger par une sortie de match du stade Deflandre…
Le paradoxe de La Rochelle qui se veut exemplaire dans le domaine de l’écologie urbaine, ne cessant de rappeler qu’elle fut pionnière dans la mise à disposition de vélos en ville, et promettant aujourd’hui le « zéro carbone5 » en 2040, c’est qu’elle œuvre toujours et seulement « pour le dernier kilomètre6 ». Cette stratégie n’est pas nouvelle puisque déjà au début des années 2000 les édiles de certaines villes de la Communauté d’agglomération (CdA), comme L’Houmeau, reprochaient à La Rochelle de leur imposer de fait des contraintes qui allaient « en sens inverse7 » des objectifs de la belle et rebelle. Autrement dit, l’idée est de déporter le péril écologique, entre autres choses, au-delà de l’hyper centre, ce qui d’une part est assez méprisant pour ceux qui n’y vivent pas, et d’autre part assez absurde puisque la pollution reléguée à la périphérie ne disparait que dans les publireportages et les magazines municipaux. Cette stratégie se poursuit aujourd’hui à travers le PLUi.
« Le PLUi programmera les conditions du développement de notre territoire pour les années à venir. C’est un projet partagé avec ses 28 communes. Il devra permettre d’organiser le développement durable du territoire à l’échelle intercommunale pour 10 ans. »8 Le PLUi « se substituera aux 28 documents d’urbanisme existants (plan local d’urbanisme ou plan d’occupation des sols)9 », donc autant dire qu’il ne s’agit pas d’un document anodin puisqu’il engage l’avenir de votre commune en terme d’urbanisme, d’habitat et de déplacements pour les dix prochaines années. Pour ceux qui ne sauraient pas s’ils font partie ou pas de l’agglomération rochelaise, voici la liste des 28 communes concernées : Angoulins, Aytré, Bourgneuf, Châtelaillon-Plage, Clavette, Croix-Chapeau, Dompierre-sur-Mer, Esnandes, La Jarne, La Jarrie, La Rochelle, Lagord, L’Houmeau, Marsilly, Montroy, Nieul-sur-Mer, Périgny, Puilboreau, Saint-Christophe, Sainte-Soulle, Saint-Médard-d’Aunis, Saint-Rogatien, Saint-Vivien, Saint-Xandre, Salles-sur-Mer, Thairé, Vérines, Yves.
La concertation d’une minorité
Par la Délibération du 24 janvier 2019 arrêtant le projet de PLUi10, on apprend que son élaboration a donné lieu à de multiples concertations avec les citoyens de la CdA. Et de ces concertations, on peut lire en toutes lettres dans la Délibération au niveau de la partie intitulée « Mobilité et déplacements » que : « Ces questions (de la mobilité et des déplacements) témoignent de la volonté des habitants de se déplacer mieux et plus facilement, de se libérer de leur automobile. Les habitants sont favorables à la mise en place de systèmes alternatifs à la voiture individuelle.11 »
« Les habitants » en question ce sont en fait une partie des « environ 3700 personnes (qui) ont participé à ces réunions publiques12 », des « plus de 120 observations (qui) ont été écrites dans les registres de concertation », et des « plus de 300 observations ou demandes écrites (qui) ont été adressées par courrier ou par mail soit à la CdA de La Rochelle, soit aux communes ». Je laisse au lecteur le soin d’apprécier les termes « environ » et « plus de », et l’éventuelle redondance qu’il peut y avoir dans l’origine des observations. Quoi qu’il en soit, imaginons que chaque observation provienne d’une seule et différente personne à chaque fois, imaginons même que toutes ces 4120 personnes (3700 + 120 + 300) aient eu un avis sur la question de la mobilité et des déplacements, et imaginons carrément qu’elles soient toutes du même avis et que donc, pour continuer sur l’exemple du véhicule cité plus haut, elles veuillent à tout prix « se libérer de leur automobile ». Hé bien malgré cette présentation très optimiste pour les pourfendeurs de la bagnole, il se trouve que ce que la Délibération veut nous faire passer pour « la volonté des habitants », c’est en fait au mieux la volonté de 4 120 personnes sur les 167 675 habitants13 que compte l’agglomération, soit 2,5 % !
Le décryptage ci-dessus suffit à démontrer l’inanité de l’onction démocratique que les instigateurs de ce PLUi ont tenté de lui appliquer à travers cette « concertation ». Mais après tout, nul ne peut leur faire le reproche d’avoir essayé de mobiliser la population autour de ce projet. Par contre ce qui est inacceptable, c’est de transformer ces quelques observations en une synthèse trompeuse qui veut nous faire passer des vessies pour des lanternes. Parce qu’à défaut d’être un échantillon représentatif de la population, c’est l’avis d’une extrême minorité qui se voit promue comme « la volonté des habitants ». Autant il est évident que personne ne sait si le compte rendu de la CdA reflète l’avis de la majorité de ceux qui y habitent ne serait-ce que parce que 97,5 % des gens n’ont pas participé à la concertation, autant il est clair que ce compte rendu va dans le sens de la politique « Mobilité et déplacements » menée à La Rochelle. Cette façon de procéder est regrettable, car du coup elle fait planer le doute sur l’intégralité du PLUi et le niveau d’adhésion populaire vis-à-vis de ses orientations dans tous les autres domaines qu’il aborde14. Après ça il est difficile d’accorder le moindre crédit à ce qui est formulé dans la « Synthèse du bilan de la concertation » : « La concertation a permis de vérifier que les préoccupations de l’Agglomération et des habitants étaient en phase15 »…
Pour accéder à la deuxième partie, cliquez ici.
Post-scriptum :
A ceux qui trouveraient que je ne suis pas assez positif dans mon avis sur le PLUi, et qu’il y a aussi des bons côtés, je leur conseille de lire l’avis du Département de la Charente-Maritime63. Ce dernier ne contient qu’« observations », « recommandations », et aucune louanges sur les éventuels aspects positifs du projet.
A ceux qui se demandent d’où j’écris et qui je suis pour juger le PLUi, je répondrai qu’en tant que résidant de La Rochelle, je m’inscris dans la démarche de l’agglomération qui, du 19 juin au 26 juillet 2019, organise une enquête publique dans ses 28 communes afin que ses habitants puissent donner leur avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal.
Du 19 juin au 26 juillet 2019, vous pouvez donner votre avis sur le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (PLUi) par le biais d’une enquête publique qui a lieu dans les 28 communes de l’agglomération de La Rochelle.
1 « Bon anniversaire André Dubosc », Sud Ouest, 19 septembre 1994.
2 Plan Local d’Urbanisme intercommunal, projet arrêté, Tome 4 : Programme D’Orientation et d’Actions (POA), page 20.
3 Ibidem, p. 26.
4 Voir le plan de La Rochelle et ses environs, 1773, par Nicolas Chalmandrier, Bibliothèque nationale de France, Domaine public – https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=71067810
6 « Jean-François Fountaine, maire de La Rochelle, promet "une baisse de 50% des émissions en 2030" », L’Usine Nouvelle, 16 mai 2019 – https://www.usinenouvelle.com/article/une-baisse-de-50-des-emissions-en-2030.N841940
7 « Plan de déplacements urbains. " Un jour, on aura un tunnel " », par Thomas Brosset, Sud Ouest, 28 octobre 2000.
8 Plan Local d’Urbanisme intercommunal, projet arrêté, Tome 1 : Rapport de présentation, 1.4 Justification des choix, page 4. – https://www.agglo-larochelle.fr/grands-projets/plan-local-d-urbanisme-intercommunal?article=le-projet-arrete
9 Plan Local d’Urbanisme intercommunal, projet arrêté, Tome 8 : Pièces administratives, Note de synthèse I Contexte législatif : la loi ENE et la loi ALUR, page 1.
10 Délibération du 24 janvier 2019 arrêtant le projet de PLUi, séance du24 janvier 2019 à Vaucanson (Périgny) – https://www.agglo-larochelle.fr/documents/10839/10006569/D%C3%A9lib%C3%A9ration+du+24+janvier+2019+arr%C3%AAtant+le+projet+de+PLUi/b5f49a16-6116-41b1-aee4-1c398d8f7c82?version=1.0
11 Ibidem, page 9.
12 Ibidem, p. 6.
13 L’Agglo en chiffres, site de la Communauté d'Agglomération de La Rochelle – https://www.agglo-larochelle.fr/territoire/l-agglo-en-chiffres
14 L’habitat et sa densification, le cadre de vie, le foncier, les grandes infrastructures, l’agriculture, l’emploi, l’industrie, les entreprises, le commerce, le tourisme, les équipements, l’énergie, les nuisances et les risques, le patrimoine, le littoral, le paysage naturel et urbain.
15 Délibération du 24 janvier 2019, p. 12.
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