Mise à jour effectuée le 29/06/2022.
Marius Lacroix en perte de sens

Quelques semaines après la mise en sens unique de la chaussée en bord de mer reliant Aytré à La Rochelle1, c’est au tour de l’avenue Marius Lacroix2 de faire l’objet de la nouvelle épidémie idéologique qui contamine les édiles de l’agglomération rochelaise. 


Comme à chaque fois, le projet est toujours justifié avec les meilleures intentions du monde. Là il s’agit de requalifier la rue en « respectant les mobilités de chacun et régulant la circulation invasive de transit3 ». Mais la circulation invasive de transit est une conséquence inéluctable de l’organisation d’une cité, à moins que l’on veuille à terme que les salariés vivent sur leur lieu de travail, comme les conscrits dans leur caserne.

De plus, on sait que « le premier facteur qui influe sur les émissions de polluants n’est pas la vitesse, mais l’accélération. Un trafic congestionné, multipliant les phases d’accélération, est « bien plus émissif qu’un trafic régulier et apaisé », souligne le Cerema4 ». L’enjeu est donc de fluidifier le trafic. Mais la mise en place de sens unique n’y contribue que si ailleurs les conditions de circulation sont améliorées, ce qui n’est pas le cas puisque ces injonctions idéologiques sont appliquées à périmètre constant en terme de voirie. Les axes désormais mis en sens unique ne font que provoquer le report de la circulation sur des artères qui se retrouvent ainsi davantage embouteillés, et donc encore plus polluantes. L’objectif de « La Rochelle Territoire Zéro Carbone » n’est donc qu’une chimère servant à justifier une gesticulation pseudo-écologique électoraliste, à moins que la vraie finalité soit de nous imposer le vélo au final comme unique moyen de transport. Mais je n’irai pas plus loin tant les magazines municipaux comme ceux de l’agglomération, que pas grand monde ne lit mais qui remplissent nos boîtes aux lettres diffusent déjà largement cette propagande, ce qui constitue autant une pollution matérielle qu’intellectuelle, grâce aux impôts locaux de tous.

Rue Marius Lacroix en pleine opération de densification résidentielle
Et ce n’est pas la densification résidentielle des communes, voulue, organisée, et intensifiée par les mêmes édiles qui va contribuer à diminuer cette circulation invasive de transit, au contraire. Déjà cette densification est une aberration en termes de psychologie environnemental, de vivre ensemble et de sécurité, comme j’ai vainement tenté de le faire comprendre à nos urbanistes, nos élus, et aux électeurs, en relayant dès 2020 les études qui en témoignent5.

Mais en plus, elle s’accompagne d’une incitation institutionnelle au transport en commun qui, sans compter sur le fait que ce moyen est loin de concurrencer la voiture personnelle au niveau du confort, du temps de trajet, de la ponctualité et de la disponibilité, est préjudiciable au collectif en ces années de pandémie où l’on sait que les lieux de promiscuité, où s’amassent des personnes provenant de divers horizons, sont les plus importants vecteurs de contamination.

Nos élites de proximité ne regardent pas à la dépense pour mettre en œuvre des travaux herculéens lorsqu’il s’agit de construire des digues et de raser des quartiers entiers de maisons individuelles pour des évènements météorologiques comme Xynthia qui arrivent au pire une fois tous les dix ans. Mais lorsqu’il s’agit de prendre la mesure d’une situation sanitaire qui n’est qu’un galop d’entrainement étant donné les échanges croissant de personnes au niveau mondial de par l’accroissement des migrations et des offres de transport international de plus en plus accessibles financièrement, ou de faire en sorte que l’urbanisme et nos lieux de résidence s’adaptent vraiment en profondeur à l’évolution de nos sociétés et du climat, ils restent ancrés à des schémas hypocrites qui stigmatisent la voiture, mais ignorent la pollution déplacée à l’autre bout du monde par les éoliennes, les panneaux solaires, les trottinettes et les voitures électriques6.

Une passerelle toujours en travaux en juin 2022
En prolongeant cette digression sur les personnes provenant de divers horizons, je ne peux m’empêcher de profiter de cet article pour m’interroger également sur la logique des organisateurs de travaux du pôle multimodal de la gare de La Rochelle qui allie, encore une fois, la minéralisation à l’incohérence. Je serais curieux de savoir pourquoi, avant de supprimer le parking en face de la gare pour faire une grande dalle minérale où viendront étouffer les voyageurs dès leur arrivée cet été (quel bel accueil !), le pôle multimodal prévu à l’arrière n’a pas été finalisé, et la passerelle terminée. Cela a pour conséquence de faire coïncider l’arrivée et le départ des trains avec des encombrements et un capharnaüm de stationnements sauvages depuis des mois à l’avant de la gare, puisque ces travaux durent depuis des mois ! Et ce concomitamment au temps de construction de la passerelle surplombant les voies ferrées, qui s’explique certainement par le peu d’assiduité des ouvriers sur l’ouvrage, étant donné qu’ils m’ont l’air d’être envoyé ici ou là, aux abords plus ou moins éloignés de la gare, pour tout commencer sans jamais rien finir.

Mais revenons à d’autres problèmes soulevés par la densification résidentielle, et leur matérialisation à l’aune de certains immeubles récents livrés en 2022. Je suis curieux de connaitre ce qui pousse des municipalités aussi soucieuses de l’écologie que l’est la ville de La Rochelle à accorder des permis de construire pour ces nouvelles habitations.

Car d’une part, elles s’érigent avec des règles architecturales telles que leurs façades exposées en plein soleil sont recouvertes d’un métal enduit de peinture sombre qui capte la chaleur, et de grandes baies vitrées qui en font tout autant, et ce alors que tous les experts alertent sur le réchauffement climatique et la recrudescence des canicules.

Et d’autre part, leur parking souterrain collectif ne dispose d’aucune prise de recharge électrique pour les véhicules des locataires, comme si l’Union européenne n’avait pas voté l’interdiction de la fabrication des véhicules thermiques pour 2035…

Par ailleurs, les municipalités écologiques qui ont minéralisé la ville à tout va ces dernières années pour améliorer le passage des vélos et autres trottinettes, ou piétonniser l’hypercentre pour maquiller leur autophobie en écologie, s’accordent aujourd’hui pour dire qu’il faut végétaliser afin de faire baisser la température dans la cité. Sauf que dans les faits, il suffit d’observer ce qui se passe pour s’apercevoir qu’elles continuent à densifier la bétonisation, mentant même à leurs administrés pour accentuer l’acceptabilité sociale de leurs projets en promettant une végétalisation qui ne verra jamais le jour comme celle prévue sur le Quai du Carénage7. Elles se limitent ainsi à une utilisation fallacieuse d'arguments faisant état de bonnes pratiques environnementales, pas toujours mises en œuvre, dans des opérations de marketing ou de communication malheureusement encore assez efficace dans les urnes, je dois le reconnaitre, ainsi que dans le cadre de la « participation citoyenne ». Cette dernière est encore promue par le maire dans la quatrième de couverture de sa dernière lettre trimestrielle en date de juillet 2022. Mais à y regarder de plus près, cette onction de démocratie de proximité n’est en fait que le miroir grossissant de la concertation d’une minorité8 servant à valider le projet issu d’une poignée d’idéologues carriéristes, et souvent même pas élus, occupant la tête des services techniques qui nous pondent tous ces plans et ces présentations politiquement correctes, et dans l’air vicié du temps.

Et la cerise sur le gâteau, ou plutôt le dernier clou dans le cercueil de l’automobile, c’est l’excuse législative pour justifier la mise en sens unique de la voie Marius Lacroix9 dont le document de présentation se fait l’écho en page 42 : « la seule application de la loi ne permet pas de considérer une requalification qui consisterait en la seule rénovation du fond de forme des enrobés » ! En gros, lorsque l’on veut rénover la chaussée, il s’agit de le faire en prenant soins de redonner une place à chaque usager (voitures, piétons, cyclistes, handicapés...).

Très bien, sauf que cette législation ne date pas d’hier10, mais de 2007. Et pourtant, comme je le dénonçais déjà en 2019, c’est dans le « seul hyper centre de La Rochelle (que) la chaussée est intégralement refaite après la campagne de changement des canalisations, ce qui n’a par exemple pas été le cas pour la rue Marius Lacroix à Lafond et pour l’avenue Denfert-Rochereau à La Pallice, où autos, motos et vélos rebondissent tout du long sur les multiples plastrons11 ». Toutefois, l’avenue Denfert-Rochereau à La Pallice est bordée tout du long d’une piste cyclable qui, elle, a été récemment rénovée, et se trouve par conséquent en meilleur état que la chaussée voisine, toujours plastronnée dès qu’un nouveau trou apparait, et ce alors qu’elle est pourtant l’axe de passage principal des supporters du Stade Rochelais, d’une bonne partie des salariés de la zone industrielle de Chef de Baie, et l’axe de sortie de La Rochelle indiquée par les panneaux de signalisation depuis les alentours de la place de Verdun.

Rue du Cordouan
Et la rue Thiers ainsi que celle du Cordouan, déjà en sens unique avant leur requalification, ne bénéficient pas de davantage d’espace après la dite requalification, pour permettre aux piétons de mieux marcher et aux vélos de mieux circuler. Au contraire, elles autorisent la remontée des bicyclettes en sens inverse aux risques et périls des piétons puisque les trottoirs ont disparu, favorisant un mélange des 2 roues avec les passants, et au péril des cyclistes eux-mêmes, des rétroviseurs des voitures, ainsi que de la peinture des carrosseries…


Enfin, la législation qui soi-disant empêche la réfection d’une chaussée largement dégradée sans redonner une place à chaque usager, n’a pourtant pas embarrassé la municipalité lorsqu’il s’est agi de stigmatiser une fois de plus les seuls automobilistes. Ce fut le cas lors de la mise en œuvre de ralentisseurs dans la rue Marius Lacroix, dont le caractère légal de la morphologie de certains d’entre eux étaient contestés en 2020 par les riverains eux-mêmes si l’on en croit les inscriptions de l’époque laissées sur l’objet du délit.


En définitive, il ne faut pas nous leurrer : La mise en sens unique d’une voie de circulation n’est que la première étape d’une piétonisation définitive à venir, à plus ou moins brève échéance, comme ce fut le cas du Quai Duperré à La Rochelle. Sous prétexte de « redonner une place à chaque usager », les politiques de la ville, qui savent prétexter la loi pour ne « pas de considérer une requalification qui consisterait en la seule rénovation du fond de forme des enrobés », oublient tout aussi rapidement la législation lorsqu’il s’agit d’expulser de la chaussée l’usager automobiliste. Ce faisant, elles ne font qu’amputer les libertés des uns en mettant en péril la vie des autres, en permettant de mélanger indistinctement, dans une nouvelle anarchie circulatoire, des piétons se déplaçant à une vitesse de 1 à 3 km/h lorsqu’il s’agit d’un enfant ou d’une personne âgée, avec des engins électriques (trottinettes, vélos, …) qui roulent souvent à bien plus de 30 km/h !

Lutter contre ce gaspillage d’argent public visant uniquement à satisfaire à la mode d’un greenwashing électoraliste est un engagement qui bénéficie à l'intérêt général. Il est nécessaire de ne pas se laisser berner par ce semblant de démocratie participative qui veut marginaliser ceux qui ne s’en laissent pas compter. Il n’est pas envisageable de laisser prospérer cette duplicité qui a désigné les moteurs thermiques à la vindicte populaire, sauf lorsqu’il s’agit de les utiliser pour monter les installations des Francofolies, pour assister les ouvriers des multiples chantiers de la ville, pour s’esbaudir de leurs vrombissements au Rallye d’Automne, ou de les accueillir par le biais des polluants navires de croisières et de transport de marchandise à La Pallice. Il est salutaire de dénoncer toutes ces incohérences architecturales, urbaines et idéologiques. Faut-il voir un symbole dans le fait que c’est sur cette voie Marius Lacroix que se situe l’hôpital psychiatrique homonyme de La Rochelle ? Sans aller jusque-là, les éléments précédents nous démontrent déjà qu’il est temps de s’ouvrir à de nouvelles perspectives, et ce, afin que le dogme du sens unique laisse place au bon sens, à La Rochelle et au-delà.







1 Éloïse Roger, Entre La Rochelle et Aytré, la "route de la mer" passe en sens unique, mercredi 1 juin 2022, France Bleu La Rochelle – https://www.francebleu.fr/infos/transports/la-route-de-la-mer-entre-la-rochelle-et-aytre-passe-en-sens-unique-1654067658

2 Alain Babaud, La Rochelle : l’idée de mettre la rue Marius-Lacroix à sens unique inquiète, Sud Ouest, 24 juin 2022 – https://www.sudouest.fr/economie/transports/la-rochelle-l-idee-de-mettre-la-rue-marius-lacroix-a-sens-unique-inquiete-11403499.php

3 Alain Babaud, La Rochelle : une pétition pour la refonte de la rue Marius-Lacroix, Sud Ouest, 27 juin 2022 – https://www.sudouest.fr/charente-maritime/saint-xandre/la-rochelle-une-petition-pour-la-refonte-de-la-rue-marius-lacroix-11450306.php

4 Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement - Assma Maad, « Une étude montre qu’à 30 km/h on pollue plus qu’à 50 km/h » : la mauvaise interprétation de Xavier Bertrand, Le Monde, 24 septembre 2021 – https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2021/09/24/une-etude-montre-qu-a-30-km-h-on-pollue-plus-qu-a-50-km-h-la-mauvaise-interpretation-de-xavier-bertrand_6095868_4355770.html#:~:text=Voici%20ce%20qu'il%20a,'%C3%A0%2050%20km%2Fh.

5 La densification résidentielle, enjeu des élections municipales, L'alternative
Rochelaise, 13 février 2020 – http://fabricerestier.free.fr/densification_municipales_election_2020.html

6 Marine Ernoult, Interview - Métaux rares : «Un véhicule électrique génère presque autant de carbone qu’un diesel», Libération, 1er  février 2018 – https://www.liberation.fr/planete/2018/02/01/metaux-rares-un-vehicule-electrique-genere-presque-autant-de-carbone-qu-un-diesel_1625375/

7 Preuves en photo ici : http://fabricerestier.free.fr/plui2019cdalr_part3.html , LR apaisé, PLUi aux alentours, L’incohérence écologique, L'alternative Rochelaise, 8 juillet 2019.

8 LR apaisé, PLUi aux alentours, La concertation d’une minorité, L'alternative Rochelaise, 6 juillet 2019 –  http://fabricerestier.free.fr/plui2019cdalr_prempart.html

9 Dossier de présentation du projet au public – https://fr.calameo.com/read/0041861548c7d0e9de52c

10 L’accessibilité de la voirie et des espaces publics, Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Ministère de la Transition énergétique , 10 mai 2022 – https://www.ecologie.gouv.fr/laccessibilite-voirie-et-des-espaces-publics#scroll-nav__8

11 LR apaisé, PLUi aux alentours, Comment goudronner plus pour circuler moins, L'alternative Rochelaise, 7 juillet 2019 –  http://fabricerestier.free.fr/plui2019cdalr_part2.html




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