Mise à jour effectuée le 1/07/2012.
L’inestimable PDU
de La Rochelle
Le nouveau Plan de Déplacements Urbains (PDU) était soumis à enquête publique depuis le 29 mai 2012. A ce sujet, la majorité locale est dithyrambique, l’opposition conciliante, et la presse aphone. Pourtant les enseignements du précédent PDU devraient suffire pour reconsidérer une orientation qui conduit de la « journée sans voitures » à La Rochelle sans voitures. Mais lorsque l’idéologie prend le pas sur l’entendement, cela abouti à des approximations dont je souligne certaines au fil de ces 300 pages mises à disposition des habitants jusqu’au 29 juin 2012. Et ces approximations dépassent largement le bilan du précédent PDU pour s’inviter dans les effets des « actions » proposées pour celui à venir. Ce PDU coûtera quand même 24 millions d’euros à la collectivité dans les dix prochaines années, et ce sans compter les mesures qui ne sont même pas budgétées. A ce tarif là, il ne me semblerait pas déraisonnable que ce projet satisfasse à un certain niveau d’exigences, et ce notamment par rapport à la lettre et à l’esprit de la loi.
Un Plan de Déplacements Urbains détermine, dans le cadre d’un périmètre de transport urbain, l’organisation du transport des personnes et des marchandises, la circulation et le stationnement1. Il se structure autour d’objectifs environnementaux, sociaux et économiques. L’enquête publique concernant le projet de Plan de Déplacements Urbains 2012-2021 de l’agglomération de La Rochelle commence par faire un point sur les acquis du précédent PDU (2000-2010), avant de lister les nouvelles actions à mener. Sans se lancer dans une analyse exhaustive concernant le bilan de cette enquête publique, il convient néanmoins de retenir certains éléments. D’abord il y a des approximations ou des inexactitudes dans le bilan de l’ancien plan de déplacements urbains (PDU) qui portent préjudice au projet du nouveau. Ensuite il y a des formulations et des « actions » qui me laissent penser que ce PDU s’inscrit d’avantage dans l’interprétation que dans le strict respect de la législation.
Tout est bon pour le vélo :

Ainsi l’enquête publique évoque « 200 km de continuités cyclables et 1 800 arceaux (3 600 places) dans l’hypercentre de La Rochelle2 ».
L’expression « continuités cyclables » permet de mettre commodément au même niveau plusieurs types d’équipements.On retiendra les pistes cyclables dignes de ce nom, c'est-à-dire les voies de circulation indubitablement réservées aux cyclistes, car séparées physiquement de la chaussée. Encore faut-il qu’elles soient régulièrement entretenues pour être utilisées sans danger, et pas dégradées par les racines des arbres qui les bordent comme c’est par exemple le cas le long du canal de Rompsay.
Mais ces « continuités cyclables » englobent également les bandes cyclables qui consistent en de simples tracés de peintures censés délimiter la partie de la chaussée réservée aux vélos. Censés seulement, car peu de véhicules les respectent.
Et on n’oubliera pas les voies à contresens qui sont de véritables inepties autant pour les touristes automobilistes qui n’y prennent pas garde (ou les locaux qui s’en foutent…) que pour les cyclistes inconscients qui se croient en sécurité.
Le tour d’horizon serait incomplet si l’on ne mentionnait pas les secteurs pavés, certainement considérés également comme des « continuités cyclables », alors que par expérience, la perspective de leur traversée avec un vélo profilé pour la ville vous incite à renouer temporairement avec la marche à pied…
Quand aux « 1 800 arceaux » où l’on peut venir cadenasser son deux roues, ce nombre rond qui semble immuable m’interpelle. De toute évidence il ignore ceux des arceaux qui sont régulièrement déboulonnés pour laisser la place aux différentes festivités qui agrémentent la ville, comme c’est par exemple le cas quai Valin à l’occasion de la Cavalcade.
Ces appréciations sont renforcées par d’autres chiffres. Ainsi ceux annoncés dans le journal d’information de la ville de La Rochelle datée du mois de juin 2012 sont singulièrement éloignés de ceux donnés dans l’enquête publique. Lorsque la seconde évoque « 1 800 arceaux (3 600 places) dans l’hypercentre de La Rochelle », le premier parle de « 4 020 arceaux dont 700 en centre-ville3 ». Lorsque la seconde affiche « 200 km de continuités cyclables », le premier nous informe de l’existence de « 98 km de voirie aménagée pour la pratique du vélo, sur un total de 430 km ». Alors, qu’en est-il réellement ?
Donc avant de parler de La Rochelle comme de « la deuxième ville en France en terme d’offre après Strasbourg4 » en ce qui concerne les aménagements réservés à la petite reine, il serait nécessaire de disposer d’une étude plus détaillée et plus fiable tant au niveau qualitatif que quantitatif de l’offre en question.
Le vélo se voit même pousser des ailes :
Je souhaiterai également attirer l’attention sur le schéma5 constitué de cercles concentriques qui représentent la distance parcourue selon le temps et le moyen de locomotion, en partant du centre-ville de La Rochelle. A la lumière de cette composition graphique, on apprend qu’il est possible de rejoindre L’Houmeau, ou encore Puilboreau, en moins de 15 minutes de vélo… à vol d’oiseau. Je me vois donc dans l’obligation d’informer le rédacteur de l’enquête public que le véhicule dont il est question ne dispose pas, sauf circonstances exceptionnelles et généralement assez brèves, d’une force de portance supérieure à la force de gravité.
Je pense que ceux des techniciens de la Communauté d’Agglomération qui ont réalisé cette carte, ou qui ont laissé passer une telle aberration dans cette enquête publique, devraient déjà commencer par arrêter de donner des leçons de comportement urbain en abandonnant temporairement leur véhicule qu’ils garent quasiment dans leur bureau (puisqu’ils disposent à l’Arsenal à la fois d’un parking privé souterrain, et d’un autre en surface) au profit d’une bicyclette.Cela leur donnerait l’occasion de constater que le chemin emprunté pour traverser l’agglomération en vélo ressemble rarement à une ligne droite et plane, que la petite reine n’est pas prioritaire partout, que la circulation et l’état de la chaussée entravent fréquemment sa progression, et que le vent influe beaucoup sur le temps de déplacement. Après, ils pourront toujours essayer de rejoindre L’Houmeau ou Puilboreau avec un vélo « Yélo » en moins de 15 minutes si ils persistent à croire que la pratique ne peut que se plier à leur théorie. D’ici là, je leur conseille d’aller faire un tour sur le site Mappy qui confirmera ce que j’avance6, et ce bien que je trouve le temps de parcours estimé encore bien optimiste.
En l’occurrence, les indications fournies par l’enquête publique sont donc erronées. Cela me parait bien plus que regrettable pour un document censé informer les citoyens. Au-delà de la communication, l’agglomération affirme qu’elle « partira des acquis du précédent » PDU pour élaborer le prochain où « l’enjeu reste identique7 ». Mais lorsque les fondations sur lequel s’appuie le projet ne sont pas solides, il me semble urgent de suspendre la construction de l’édifice.
Evitons les suspicions autour d’Elcidis :
Ensuite deux pages sont consacrées aux bienfaits d’Elcidis, la plateforme urbaine rochelaise de groupage/dégroupage qui permet de livrer le centre-ville à l’aide de véhicules électriques. Elcidis est en effet spécifiquement « rochelaise » depuis fin juillet 2002, date à laquelle cette initiative européenne8 débutée en mai 1998 a été abandonnée par ses instigateurs, mais prorogée par la Communauté d’Agglomération de La Rochelle.
J’ai tenté, voilà maintenant 4 ans9, de convaincre les rochelais des « conséquences inquiétantes sur le développement économique » de ce processus, en vain. Pourtant avec « 1,5 % des livraisons sur le territoire de la ville de La Rochelle et 5 % en centre-ville10 », le bon sens commanderait de délaisser ces services, comme cela a été le cas partout ailleurs, au profit d’une gestion de voirie… « intelligente » !
Autrefois directement subventionnée, Elcidis fonctionne maintenant sous la forme d’une délégation de service publique (DSP). Mais ces DSP sont critiqués car la plupart sont toujours « largement subventionnés11 ». Cela semble se confirmer, non pas grâce à cette enquête publique, pas plus que par l’intermédiaire du Conseil Communautaire12, mais par le biais de la presse locale13. Proxiway, la filiale de Veolia Transport qui gère la flottille de vélos et de véhicules électriques (Yelomobile, Elcidis…) récolte 258 000 euros de recettes directes pour 1,2 million d’euros de charges !
De plus, la seule et unique étude au sujet d’Elcidis date du 31 décembre 2001, et n’est pas vraiment convaincante quant à son influence sur l’environnement et le trafic. En effet, d’une part « on ne peut pas noter d’évolution sur les concentrations » en polluants atmosphériques avant et après la mise en place d’Elcidis, et d’autre part « l’analyse des comptages de véhicule ne nous permet pas de conclure sur les embouteillages ». Cette étude se termine par ces mots : « Une étude ultérieure sera néanmoins réalisée pour tâcher d’évaluer l’impact à moyen terme du programme Elcidis ». A ma connaissance, nous sommes toujours dans l’attente de cette fameuse « étude ultérieure ».
Devant le pourcentage de livraison relativement bas, et un coût pour la collectivité apparemment relativement élevé, la justification du programme Elcidis ne tient plus qu’à son influence sur la circulation et sur l’évolution de la qualité de l’air à La Rochelle. Afin de lever toute suspicion, et vu que ce PDU compte proroger l’expérience Elcidis contre vents et marées, ce serait donc un minimum pour une enquête publique que de porter à la connaissance des citoyens une étude qui en face une évaluation exhaustive.
Le bilan du PDU ou la cécité confortable :
Ce bilan occulte un élément essentiel de l’ancien PDU qu’est le plan de circulation instauré à La Rochelle le 1er juin 2004, et les désagréments, notamment environnementaux, qu’il a occasionné. Depuis, le simple fait de vouloir se rendre de Port-Neuf à la gare SNCF en voiture exige « deux fois plus de kilomètres et trois fois plus de temps14 », ce qui correspond forcément à une pollution plus importante des véhicules concernés. D’ailleurs l’ATMO, organisme régional qui mesure la qualité de l’air, remettait en cause l’efficacité de ce nouveau plan de circulation sur la pollution automobile15.
Et laisser penser que toutes les contraintes que le précédent PDU imposait aux automobilistes aient pu inciter ces derniers à remiser leur voiture au profit du vélo relève de la mystification. En effet, seuls moins de 10 % des nouveaux utilisateurs de vélo sont des conducteurs ayant renoncés à leur voiture en ville16.
Mais le bilan ignore aussi commodément une autre étude de l’ATMO Poitou-Charentes effectuée en décembre 2002. Cette dernière dénonçait l’exposition de la population à la pollution atmosphérique dans le parking souterrain de la Place de Verdun17. Cette vérité scientifique n’a pas empêché la municipalité de réaliser le parking Saint-Nicolas (600 places dont plus de 400 sont régulièrement inoccupées comme on peut le vérifier en regardant le compteur extérieur), et de projeter le remplacement de l’actuel parking de surface qui jouxte l’église Notre-Dame par un plus grand (650 places) mi-aérien, mi-souterrain, rue des Voiliers.
Ces quelques exemples montrent que l’argumentation retenue dans l’enquête publique s’articule autour d’une analyse plus subjective qu’objective. Ils me font craindre que l’ensemble du bilan du dernier Plan de Déplacement Urbain établi pour la période 2000-2010 soit du même acabit. Au mieux, la présentation enjolive la réalité pour justifier une politique qui se dit vouloir protéger l’environnement. Au pire, elle nie la réalité en évitant de parler, par exemple, des études scientifiques sur la qualité de l’air qui déprécient l’efficacité des mesures urbaines planifiées par le PDU.
Auto non grata :
On peut également constater que le discours consensuels des édiles de l’agglomération au sujet des automobilistes ne résiste pas aux faits. De 2000 à 2007, ce ne sont pas moins de 1 900 places de stationnement gratuites qui ont disparus à La Rochelle, et 1 500 places payantes qui ont vu le jour. Donc en plus de coûter plus cher, garer sa voiture en ville se complique au fil du temps vu que « le nombre de places a été globalement réduit18 » (-400), et ce malgré les investissements dans de nouveaux parking souterrains. Et rien ne va s’arranger, puisque le principe du dernier PDU est reconduit dans le prochain, à savoir que « en cas de création d’un nouveau parking, un nombre équivalent de places est à supprimer en surface19 ».
Là encore, d’un point de vue environnemental l’opération est désastreuse puisque plus un automobiliste met de temps à trouver une place, plus il pollue ! Mais cette évidence ne fait pas le poids face à une idéologie en marche. La ponction budgétaire exercée par les horodateurs toujours plus nombreux, les zones dont les tarifs augmentent passant définitivement du vert à l’orange, les contraventions distribuées par le pléthorique effectif des agents de surveillance de la voie publique, et le remplacement de place de stationnement par rien, comme c’est le cas quai Valin, ne démontrent pas autre chose qu’un plan qui consiste à chasser progressivement les automobilistes du centre-ville.
En plus de fédérer les mécontentements, éloigner les rochelais du cœur de leur ville, et fait de La Rochelle le plus grand sens unique d’Europe, le nouveau plan de circulation se révéla être une opération qui défie le bon sens si l’on suit les panneaux « Toutes directions ». Ainsi quitter La Rochelle depuis Saint Jean d’Acre vous mène tout droit sur La Pallice en longeant la zone industrielle de Chef de Baie, c'est-à-dire au cœur des installations classées SEVESO. Au-delà du danger, est-ce bien cet aspect de La Rochelle que nos élus désirent laisser comme dernière image à un touriste quittant la ville ?
La dernière touche en date de cette chasse à l’automobiliste s’incarne dans la relance du pôle multimodal de la gare de La Rochelle.
Ce projet qui coutera de 15 à 20 millions d’euros à la collectivité a officiellement pour but d’« embellir les abords de la gare et (de) désengorger la circulation20 ». En vérité, il s’agit ni plus ni moins de bannir définitivement les voitures de devant la gare, comme le laisse deviner des études d’esquisses21 qui existent déjà depuis 2008, au moins, contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire22.
Une concertation déconcertante :
Pour retisser le lien avec tous les habitants de l’agglomération, automobilistes compris, la municipalité a donc d’avantage travaillé sur le volet communication de ce nouveau plan de déplacement urbain, quitte à survoler l’efficacité réelle des actions envisagées. C’est ainsi que nous nous retrouvons avec un « PDU alimenté par la concertation » où « lors des réunions publiques de l’automne 2010, près de 300 contributions ont été recueillies auprès de la population23 ».
Mais aucun renseignement n’est fourni dans l’enquête publique sur la sociologie des personnes qui ont apporté leur contribution à ce PDU. Pourtant chacun sait que les réunions publiques, notamment eu égard à leur horaire de programmation, sont d’avantage fréquentées par des personnes dégagées de toute obligation professionnelles, plutôt âgées, et généralement déjà proches d’associations critiques, intéressées, ou directement dépendantes de la politique de la ville. Il va sans dire que si ces personnes sont représentatives d’une certaine population, elles sont loin de représenter toute la population de l’agglomération. Et à supposer que ces 300 contributions proviennent de 300 personnes différentes, résidant dans la communauté d’agglomération, n’ayant pas le même profil social et les mêmes intérêts, le PDU ne s’est quand même élaboré que grâce à l’avis de 0,2 % des 147 000 habitants de la collectivité !
Il me parait donc abusif et trompeur de donner à ce document les apparences d’un travail de « concertation » avec les citoyens lorsque seulement 0,2 % d’une population, dont rien ne nous prouve sa représentativité, a pu s’exprimer à son sujet. S’il avait existé une réelle volonté de « concertation », les concepteurs du PDU auraient eu tout loisir de dégager plusieurs scénarii définitifs, et de les soumettre à l’approbation du public. Dans l’état actuel des choses, seul un référendum pourrait maintenant valider ce qui ne constitue qu’un scénario parmi d’autres.
Un investissement à l’impact « inconnu ou difficile à appréhender » :
Passé au tamis des élus des 18 communes de l’agglomération, des techniciens de la Communauté d’Agglomération et de leurs partenaires institutionnels, on ne sera pas étonné que cette soi-disant « concertation » aboutisse à des « actions » qui s’inscrivent dans le droit fil du précédent PDU. Mais cette continuité ne me semble pas une assez bonne raison pour empiler 59 « actions » dépourvues d’études d’impact préalables dignes de ce nom, et ce d’autant plus qu’elles s’inscrivent à la suite d’un bilan dont on a souligné le caractère approximatif par certains aspects. Les « actions » en question sont, pour la plupart, définies et budgétées, mais elles ne seront évaluées qu’une fois qu’elles auront été mises en œuvre, ce qui parait un peu tard étant donné le montant des investissements qu’elles impliquent.
Une expertise, précédant la réalisation des « actions » prévues dans le PDU, aurait permis d’évaluer leur impact et leur efficacité, et le cas échéant d’éviter des dépenses inutiles si l’étude préalable ne s’était pas avérée concluante. Au lieu de cela, l’enquête publique nous présente une étude à minima sur un seul aspect (environnemental) des « actions » envisagées : « La méthodologie suivie pour définir les principaux effets sur l’environnement privilégie donc la mise en évidence de tendances (sic) pour chacune des fiches actions du PDU24. » Ces fameuses « tendances » sont accompagnées par de brèves explications sous la forme d’un « argumentaire synthétique », et d’un tableau qui estime l’impact sur chacun des 8 thèmes prédéfinis selon qu’il est « favorable », « neutre », « dommageable » ou « inconnu ou difficile à appréhender » (sic).
On ne sait donc pas, à la lecture de l’enquête publique, si les quelques indications qui sont censées estimer les « actions » s’appuient sur un aveuglement idéologique ou un fondement scientifique. Par conséquent, les éléments présentés me semblent largement insuffisants pour justifier la réalisation des « actions », ainsi que pour juger du bien fondé de la ventilation d’un financement qui s’élève tout de même à plus de 24 millions d’euros d’argent public, et ce sans compter les « actions » non budgétées.
Allons au-delà de l’héritage :
Au final, on pourra regretter que l’on ne trouve rien sur le désenclavement des Minimes par l’élargissement ou la multiplication de ses points d’accès, alors que l’activité est pourtant appelée à se développer avec l’extension du port de plaisance. Participant pourtant à décongestionner le centre-ville et sa périphérie, la perspective de relier directement Port-Neuf aux Minimes n’est qu’un des volets de l’action n°15 qui consiste à « étudier la faisabilité de développement des liaisons maritimes25 ». Cette étude de liaison maritime entre les Minimes et Port-Neuf a certainement été ajoutée in extremis pour atténuer quelques revendications citoyennes. Mais le fait qu’elle ne soit même pas budgétée nous laisse deviner l’investissement des responsables dans le projet, ainsi que l’issue qu’il est raisonnable d’en espérer… Sans compter que cette omission budgétaire, qui n’est pas la seule, est contraire à la législation qui dit que le PDU « est accompagné d’une étude des modalités de son financement et de la couverture des coûts d’exploitation des mesures qu’il contient26 », sans exceptions.
Toujours au sujet du quartier des Minimes, on notera accessoirement qu’il n’est pas prévu non plus de supprimer les caténaires du tramway. Ces câbles ne sont pas disposés suffisamment haut pour permettre le passage des transports exceptionnels de bateau. Donc ces derniers sont obligés de suivre un cheminement insensé à travers tout le quartier, allongeant leur distance de déplacement ainsi que leur temps de parcours, et multipliant d’autant les perturbations de la circulation qui s’expliquent par leur taille imposante. Pourtant, la dernière fois que le tramway est sorti (pas plus loin que devant le Conseil général…), c’était à l’occasion de la réunion informelle des 27 ministres des Transports de l’Union européenne en septembre 2008 ! La suppression de ces caténaires seraient aussi l’occasion de réfléchir à un partage des dessertes propres (réservées jusque là aux rares transports en commun qui traversent le quartier) avec ces convois exceptionnels, et ce dans l’objectif de fluidifier le trafic sur la chaussée ainsi libérée.
Rien non plus sur une délocalisation de la gare principale en périphérie de l’agglomération27, ce qui prouve bien que ce sont les intérêts de la plus grosse ville de la collectivité qui passent avant ceux de la communauté.
Pas d’avantage sur la gratuité des transports en commun ou sur la mise en place du disque européen de stationnement28 qui permettrait pourtant d’éviter les véhicules ventouses sans pour autant porter préjudice au budget des automobilistes.
Et dans ce PDU, aucune cohérence n’apparaît avec des municipalités pourtant pas si éloignées comme Rochefort, et ce alors que certaines idées seraient bonnes à prendre. Par exemple, en ce qui concerne la généralisation de la priorité à droite qui a pour avantage d’accroitre l’attention des automobilistes (dont le défaut est à l’origine de la plupart des accidents), de diminuer la vitesse des véhicules, et d’éviter l’aménagement de plateaux surélevés, puisqu’en plus des nuisances sonores occasionnées au passage des véhicules, chacun d’entre-eux coûte en moyenne 200 000 € à la collectivité.
Enfin en ce qui concerne la bicyclette, il est prévu de « mettre en service et promouvoir les vélos monopousseurs (vélo utilisable avec un fauteuil roulant) », mais toujours pas de compléter l’offre « Yélo » par quelques modèles junior, donc plus petit, qui permettraient un accès familial à ce service.
Voilà autant de pistes de réflexion et d’embryons d’idées qui pourraient donner un nouveau souffle à un PDU qui, de toute évidence, se contente de gérer l’héritage de son prédécesseur.
Que cache réellement ce PDU ?
L’agglomération rochelaise mérite mieux que la prorogation du plan de déplacement urbain précédent, plan au sujet duquel on peut déjà légitimement s’interroger eu égard au bilan approximatif qui nous est présenté dans cette enquête publique. La DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) s’interroge également sur les « raisons du choix du projet en regard de l’environnement29 » : « Cette partie relativement succincte, gagnerait à être développée pour démontrer de façon précise la justification du choix du scénario qui a été retenu par rapport aux objectifs obligatoires fixés par la LOTI (Loi d'orientation des transports intérieurs) pour tout PDU, par rapport aux objectifs spécifiques déterminés pour ce PDU et au regard de considérations économiques et techniques. Il aurait pu être également intéressant de retrouver dans cette partie les éléments qui ont guidé la Communauté d’agglomération pour retenir les 59 actions de ce PDU. »
Si le fait que la DREAL souligne des lacunes dans cette enquête publique n’interroge pas nos élus, cela devrait au moins interroger un certain nombre de citoyens de l’agglomération !
Un Plan de Déplacements Urbains se doit de déterminer l’organisation du transport des personnes et des marchandises, la circulation ainsi que le stationnement pour améliorer le vivre ensemble à travers des objectifs environnementaux, sociaux et économiques.
J’ose espérer que ce nouveau PDU ne sera pas qu’un engrenage dans une mécanique de projets non avoués qui reporteront encore un peu plus la circulation, et donc la pollution, à la périphérie du centre-ville. Et pourtant lorsque l’on observe les cartes qui définissent ce nouveaux PDU, on y devine un traitement sectoriel de la ville, et par extension de l’agglomération. Mais le volet concernant autant la protection de l’environnement que celle de la santé des habitants ne doit pas privilégier certaines parties de l’agglomération aux dépens des autres.
« La diminution du trafic automobile30 » est l’objectif légal n°1 qui se doit d’être visé dans le « périmètre de transports urbains ». Mais le périmètre indiqué se doit d’intégrer toute l’agglomération rochelaise, et non pas la seule zone que constitue l’hypercentre de La Rochelle.
Tout le PDU tourne autour du centre-ville de La Rochelle |
De plus, la volonté affichée de protection de l’environnement dans l’hypercentre ne fait que reporter les nuisances collatérales dans le reste de la ville et de l’agglomération. La qualité de vie influant sur les tarifs immobiliers et le niveau des loyers, ces derniers ne cesseront d’accentuer leurs différences selon que l’on se situe en deçà ou au-delà des anciennes fortifications rochelaises.
Ces conséquences immobilières imputables au PDU vont donc également à l’encontre de la législation. Car si le PDU « précise les mesures d’aménagement et d’exploitation à mettre en œuvre », c’est « afin de renforcer la cohésion sociale et urbaine31 (…) », et non pour la mettre à mal directement ou indirectement.
Enfin, du point de vue économique, aux commerçants du centre-ville, qui imputent la baisse de leur part de marché au plan de circulation mis en œuvre en 2004, viennent s’ajouter les entreprises du même secteur qui, se sentant « indésirables32 », sont allées poursuivre leurs activités ailleurs. Le développement économique est intimement lié à l’équilibre qu’il convient de trouver entre la fluidité de la circulation et l’accessibilité aux zones concernées. Mais la crise, la baisse du pouvoir d’achat, et l’accroissement des ventes sur Internet sont régulièrement mis en avant pour servir d’alibi à l’influence de la politique de l’agglomération, telle qu’elle s’applique depuis l’an 2000 à travers l’ancien PDU, sur l’activité économique en centre-ville. Une expertise serait donc bienvenue pour faire la lumière sur les parts de responsabilité qu’il convient d’attribuer à chacun des acteurs et des facteurs concernés, et ce afin d’en tirer les leçons avant de donner un blanc-seing à ce nouveau PDU.
Mais déjà on peut s’interroger lorsque l’on apprend que le maire de la ville de La Rochelle, qui se trouve être le président de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle, a été pour beaucoup dans la venue de Chronodrive, consécration de l’homo automobilus33 et excroissance d’une grande distribution qui concurrence les petits commerces de proximité en allant draguer le chaland jusque sur son bateau34. Cela me semble contrevenir à l’article définissant les objectifs du PDU, objectifs qui portent notamment sur « Le transport et la livraison des marchandises tout en rationalisant les conditions d’approvisionnement de l’agglomération afin de maintenir les activités commerciales et artisanales35 »…
Les objectifs environnementaux, sociaux et économiques affichés se résument à « 3 orientations majeures » qui consistent à « optimiser les transports collectif urbains (…), définir le rôle de l’automobile(…) », ainsi qu’à « donner une vrai place au vélo et marquer son emprise dans l’espace urbain36 ». Voilà une présentation rédigée de telle façon qu’elle rend de prime abord impossible la formulation d’une critique, et par conséquent ne peut que conduire à un consensus. Mais ces orientations paraissent déjà beaucoup moins consensuelles lorsque l’on rentre dans le détail des « actions », et que l’on découvre par exemple pour celle portant le n°45 qu’il est question de « réduire la vitesse de (sic) la rocade à 70km/h lors des pics de pollution37 ». Et ces orientations ne seraient pas rédigées autrement si elles devaient aboutir à terme à l’instauration d’un péage urbain autour de La Rochelle38. Enfin, ces orientations paraissent bien accessoires eu égard aux conséquences qu’elles engendrent en terme de report de la pollution et des difficultés de circulation sur les quartiers périphériques au centre-ville de La Rochelle, en terme de cohésion sociale et urbaine de toute l’agglomération, ainsi qu’en terme de développement économique.
Conclusion :
Le Plan de Déplacements Urbains de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle me semble donc approximatif dans son diagnostic de la situation actuelle, et n’est pas convaincant en ce qui concerne l’efficience des actions présentées. De plus, un travail basé sur une démocratie (relativement) participative pour, soi-disant, orienter le PDU ne peut pas se concrétiser sans une étude d’impact préalable. Cette dernière est nécessaire afin de ne pas investir 24,8 millions d’euros dans des mesures dont certaines comportent des effets qui, de l’aveu même des auteurs, demeurent « inconnus ou difficiles à appréhender ». Au final ce PDU va contribuer à accentuer les divisions entre certaines catégories de populations selon qu’elles habitent au centre de la ville de La Rochelle ou au-delà. A contrario, les projets à venir des collectivités se devraient de fédérer encore plus qu’à l’accoutumé pour cicatriser les plaies laissées par les élections législatives de 2012.
L’enquête publique nous présente donc le bilan du Plan de Déplacements Urbains précédent qui est inestimable eu égard à ses approximations, ses inexactitudes, et les éléments qu’il ignore. L’enquête publique nous présente ensuite un projet de PDU qui est inestimable tant d’un point de vue du coût réel et final pour la collectivité vu l’existence d’actions qui ne sont même pas budgétées, que d’un point de vue de son impact sur l’environnement étant donné les effets « inconnus ou difficiles à appréhender » de certaines de ses mesures.
Face à tant d’inconnues, tant d’éléments dont il est difficile, si ce n’est impossible, de faire l’estimation, il me semble que la seule position raisonnable à tenir devant cette enquête publique est celle qui consisterait à délivrer un avis défavorable.
Sources :
Les images qui ne sont pas sourcées sont disponibles dans les documents accessibles depuis l’adresse http://www.agglo-larochelle.fr/pdu/pdu_ressources.php?rubr_fiche=7
2 Plan de Déplacements Urbains de la Communauté d’Agglomération de La Rochelle (PDU CdA LR), Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 29.
3 P. 16 du journal distribué mais pas encore disponible sur le site http://www.ville-larochelle.fr/lamairie/publications/journal-municipal.html à l’heure où j’écris ces lignes.
4 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 29.
5 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 22.
6 http://fr.mappy.com – Trajet en vélo La Rochelle – L’Houmeau : 22 min ; La Rochelle – Puilboreau : 21 min.
7 PDU CdA LR – http://www.agglo-larochelle.fr/pdu/
8 Interview de Madame Anne Chané, Communauté d’Agglomération de La Rochelle, le 08 janvier 2005 –http://www.tmv.transports.equipement.gouv.fr/article.php3?id_article=52
9 « Les rochelais subventionnent leurs délocalisations » – http://fabricerestier.free.fr/elcidis.html
10 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 39.
11 Anouk Exertier, « “LES MARCHANDISES NE VOTENT PAS, LES VOYAGEURS SI” ! », URBANITES, 1er juin 2012 – http://urbanitesblog.wordpress.com/2012/06/01/les-marchandises-ne-votent-pas-les-voyageurs-si/
12 Le procès verbal du Conseil Communautaire du 23 juin 2011 ne donne aucuns chiffres à ce sujet – http://www.agglo-larochelle.fr/gestion/comptes_rendus/download.php?nom=PV23juin2011.pdf&ID=95
13 Pierre-Marie Lemaire, « Les bus communautaires ne transportent pas les élus de joie », Sud Ouest, vendredi 24 juin 2011 – http://www.sudouest.fr/2011/06/24/les-bus-communautaires-ne-transportent-pas-les-elus-de-joie-434581-650.php
14 Sud Ouest, mardi 6 avril 2004.
15 « Evaluation de l’impact du changement de plan de circulation à La Rochelle en centre-ville », étude ATMO Poitou-Charentes, 10 juillet 2005, p. 30 – http://www.atmo-poitou-charentes.org/IMG/pdf/2005-parcs_larochelle-2.pdf
16 « Les transports urbains en France », Science & Décision, octobre 2006, p. 24 – http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/31245/TRA.pdf?sequence=1
17 « Etude de la qualité de l’air dans le parking souterrain de la Place de Verdun à La Rochelle du 6 au 20/12/2002 », ATMO Poitou-Charentes, 11 juin 2003 – http://www.atmo-poitou-charentes.org/2002-Qualite-de-l-air-interieur.html
18 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 36.
19 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 117.
20 Stella Dubourg, « Le pôle multimodal mis en route », Sud Ouest, le 1er juin 2012 – http://www.sudouest.fr/2012/06/01/le-pole-multimodal-m-is-en-route-730675-650.php
21 « La Rochelle (17) Aménagement de l’Espace Quartier de la Gare » ; Projet Urbain I étude de faisabilité | Maître d’ouvrage : Communauté d’Agglomération de La Rochelle | Type de mission : Procédure adaptée | Équipe de maîtrise d’œuvre : Groupe-6 (mandataire) Sareco | Dates : 2008 – http://groupe-6.com/fr/projects/view/96
22 Stella Dubourg, loc. cit.
23 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, Annexe 2 – Evaluation environnementale, p. 43.
24 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, Annexe 2 – Evaluation environnementale, p. 59.
25 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 83.
26 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs - art. 28. – http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=8B94BEE5BABE5555B7D73D6C458D32FB.tpdjo05v
_2?idSectionTA=LEGISCTA000006131296&cidTexte=JORFTEXT000000319738&dateTexte=20100713
27 « ZAC Espaces gare » – http://fabricerestier.free.fr/nouvelle_gare_rochelle_aytre.html
28 « Non aux 900 ! » – http://fabricerestier.free.fr/non_aux_900.html
29 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, « avis des personnes publiques associées », p. 6 à 7.
30 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs - art. 28-1.
31 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs - art. 28.
32 « Une petite usine modèle », Sud Ouest, samedi 24 novembre 2007.
33 « La Rochelle et son antagonique Chronodrive » – http://fabricerestier.free.fr/chrono.html
34 Stella Dubourg, « La Rochelle : vos courses livrées directement à bord », Sud Ouest, samedi 23 juin 2012 – http://www.sudouest.fr/2012/06/23/vos-courses-livrees-directement-a-bord-751169-1391.php
35 Loi n°82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, art. 28-1.
36 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 43.
37 PDU CdA LR, Enquête publique, 26 janvier 2012, p. 119.
38 « Les prémisses de l’ère P.U.R. » – http://fabricerestier.free.fr/pur.html
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