Mise à jour effectuée le 24/06/2010.
Les prémisses de l’ère P.U.R.
Comme annoncé, le parking Saint-Jean-d’Acre à La Rochelle s’est vu équipé de barrières et de caisses automatiques. Comme prévu, les horaires et des tarifs ont été « largement1 » revus à la hausse. Reste à savoir de quelle manière cette opération satisfait à la doctrine municipale2 qui veut que « le centre-ville ne peut pas laisser entrer toutes les voitures », et quels enseignements il est utile de tirer de la démarche pour deviner vers quoi l’on nous mène.
La nouvelle tarification estivale de Saint-Jean-d’Acre est bien plus contraignante que celle de la zone orange dont la municipalité l’harnachait à l’approche des beaux jours. De nombreuses plages permettant un stationnement gratuit disparaissent, telle que celle de la pause déjeuner entre 12h et 14h, celle de la fin d’après-midi au-delà de 18h30 jusqu’à 20h, ainsi que celles des dimanches et des jours fériés.
Parking Saint-Jean-d’Acre
Et la nouvelle tarification hivernale de Saint-Jean-d’Acre est bien supérieure aux tarifs de la zone verte dans lequel rebasculait ce parking hors saison.
Le budget déjà excédentaire du stationnement de la ville n’explique pas cette taxation additionnelle et aveugle de l’automobiliste. Additionnelle car il faudra payer plus pour se garer autant. Aveugle car que vous soyez redevable de vos taxes locales à la ville de La Rochelle, ou que vous ne fassiez que visiter la belle et rebelle, vous êtes redevable du même droit de stationnement.
Alors on pourrait chercher les raisons de cette augmentation des tarifs de stationnement dans cette course effrénée à la satisfaction d’un certain écologisme qui, comme dans tant d’autre ville, n’a pour seul objectif que de bannir la voiture du centre des cités. On pourrait se dire que la finalité de la démarche est de convaincre l’automobiliste de faire usage des « parcs-relais » disposés à la périphérie. Mais pour ce faire, faudrait-il encore que tous les conducteurs soient au fait de cette ambition municipale. Je doute que la signalisation verticale annonçant le dispositif par deux consonnes et un opérateur arithmétique (P+R) soit suffisamment explicite et convaincante à l’attention des touristes qui auront ratés les rares panneaux d’information lumineux. De plus, ces derniers privilégient l’affichage de l’événementiel rochelais à celui de la présence d’aire de stationnement en périphérie de la ville. Et que dire du touriste étranger qui, si grâce à la sérigraphie disposée sur les panneaux « P+R » identifiera peut-être le « P » comme l’initial de « Parking », sera certainement plus circonspect sur la signification du « R » : Rochelle ? Rugby ?
P+R ?
D’ailleurs, à propos de Rugby, il fallait se douter que les capacités accrues du stade Marcel-Deflandre, grâce à l’édification de sa nouvelle tribune de 5 260 places, impliquaient forcément un besoin de stationnement supplémentaire. Jamais à cours d’idée, notre premier magistrat imaginait encore récemment « le projet de desserte du bus de mer, entre Port-Neuf et les Minimes (…), avec un arrêt au Vieux Port 3 »… Et puisqu’il existe depuis le mois de juin 2010 une liaison nautique régulière avec La Rochelle, pourquoi ne pas demander aux supporters d’aller se garer sur l’île d’Oléron ?
Nouvelle tribune Marcel-Deflandre
Blague à part, reporter le problème de la circulation et du stationnement sur un autre quartier, et notamment Les Minimes, qui a déjà suffisamment à faire avec ses activités balnéaires, universitaires, résidentielles et nautiques, sachant que ces dernières ne vont pas aller en diminuant avec le projet d’extension du port de plaisance, revient à botter en touche. Il aurait été plus judicieux d’adjoindre à la construction de la nouvelle tribune l’élaboration d’un parking en sous-terrain permettant d’accueillir une bonne partie de l’inévitable afflux d’automobiles. La construction de ce parking aurait été plus sage que celui de Saint-Nicolas.
En effet, ce dernier ne fera qu’accentuer l’attraction d’un quartier situé au croisement de la gare, des Minimes, du Vieux Port et de l’hôpital, et donc saturé d’automobiles aux heures de pointes. Ensuite, au même titre que son proche voisin du Gabut, il risque ne pas mettre longtemps à nous démontrer qu’il est submersible.
En dehors des jours de match, ce parking sous-terrain du stade Marcel-Deflandre aurait pu servir de « parc-relais » avec un passage de la voiture au vélo pour rejoindre le centre ville grâce à une vraie piste cyclable à part entière, seule garantie d’une totale sécurité pour les cyclistes. Cette piste cyclable n’aurait pas eu à empiéter sur la chaussée puisqu’une bonne partie existe déjà à quelques centaines de mètre, en bord de mer.
Et à propos de vélo, j’ai aussi pu constater que les stations de libre service du « parc-relais » Jean Moulin n’existent plus ! Elles sont pourtant toujours identifiées, à l’heure où j’écris ces lignes, par les numéros 18 et 19 sur tous les documents, site internet « Yélo4 » et de la RTCR5 . La station la plus proche se trouve donc être celle de l’hôpital…
De plus, le plan édité par la Communauté d’Agglomération de La Rochelle (qui fait aussi état de ces stations fantômes de vélos en libre service du parking Jean Moulin) emploie la même légende pour définir « piste cyclable » et « bande cyclable ». Mais alors que la piste cyclable est une section de chaussée spécifique dévolue exclusivement aux cyclistes, la bande cyclable n’est qu’une voie contiguë à la chaussée. Il me semble que lorsque l’on souhaite parcourir La Rochelle en vélo, ville pionnière et réputée pour ce moyen de transport alternatif, on est au moins en droit de disposer d’informations plus précises sur les équipements routiers intégralement dédiés à la petite reine.
Cependant, ma visite au « parc-relais » Jean Moulin le lundi 21 juin, jour de la fête de la musique, m’a permis d’apprendre que le parking était exceptionnellement ouvert jusqu’à 1 heure du matin, navette comprise. Mais encore fallait-il deviner l’existence de cette initiative intéressante puisqu’elle n’était relayée aucune part, et notamment pas sur les panneaux lumineux d’information de la ville.
Mais revenons à Saint-Jean-d’Acre et à cette décision consistant à rendre son aire de stationnement payante à toute heure. Le résultat de cette politique est celui que j’ai pu constater ce dimanche. Le parking Saint-Jean-d’Acre n’est quasiment rempli que de véhicules dont l’immatriculation diffère du « 17 », et les « parcs-relais » sont toujours aussi désert.
Donc d’une part les véhicules de toutes provenances continuent à affluer vers le centre de la ville, et les résidents qui trouvaient en Saint-Jean-d’Acre l’occasion dominicale de garer leur véhicules gratuitement se rabattent sur d’autres lieux de stationnement intra-muros où ils conserveront les mêmes avantages financiers.
L’augmentation des tarifs de stationnement à Saint-Jean-d’Acre, au-delà de ceux de la déjà onéreuse zone orange, n’écarte donc pas les véhicules du centre ville, mais écarte seulement les rochelais de cette esplanade. Elle a aussi pour conséquence, dans une municipalité pourtant à majorité socialiste, de faire le tri entre ceux qui ont les moyens et les autres. Cette politique de classe écarte de fait les véhicules des résidants et des manants au bénéfice de ceux des touristes et des gens aisés, ces derniers ayant apparemment plus le droit que les premiers d’encombrer les rues, de polluer la cité, et de disposer commodément de place de parking en centre-ville. La majorité socialiste rochelaise a donc revisité et appliqué l’ « injuste6 » taxe carbone à travers sa politique de tarification du stationnement.
Tarif du stationnement en fonction du temps passé
Cependant on ne peut quand même pas blâmer les touristes qui cherchent à s’approcher du centre ville. Les moyens mis en œuvre qui sont sensés les en dissuader ne sont pas à la hauteur, tant au niveau de l’information que du service (pas de gratuité des « parcs-relais », pas de vélo en libre service, pas de piste cyclable dirigée vers le centre). De plus, en dehors de la saison estivale, le parking-relais Jean Moulin n’est ouvert que de 6h à 21h, ce qui limite la durée des balades digestives et nocturnes sur le Vieux Port. A noter qu’avec le nouveau forfait 24h des « parcs-relais » facturé à 2€70, il est souhaitable que vous ayez prévus de rester plus de 5 heures en ville, sinon vous aurez tout intérêt à stationner dans certaines zones vertes plus proches du centre.
Et l’on ne peut pas non plus blâmer les rochelais de ne pas être particulièrement séduit par l’idée de laisser leur véhicule dans un « parc-relais » situé à 2 ou 3 kilomètre de leur domicile 7, et dont l’usage leur sera facturé si ils ne travaillent pas en centre-ville. D’autant plus que le parking Jean Moulin manque de commodité puisque d’octobre à avril il est fermé le dimanche. Quitte à payer, autant être garé à côté de chez soi et pouvoir disposer de son véhicule en cas de besoin.
Parc-Relais Jean Moulin
Pour limiter la circulation en ville je propose donc d’instaurer la gratuité des « parcs-relais » pour tous les samedis, les dimanches, et tous les jours en haute saison touristique. Dans ces mêmes périodes, des navettes spécifiques, comme c’est le cas pour le parking-relais Jean Moulin, desserviront directement le centre ville, et en plus assureront le retour aux aires de stationnement périphériques qui seront ouvertes, gratuites et surveillées jusqu’à minuit. Notre excédent budgétaire dans le domaine du stationnement nous permet cette exemplarité qui sera la seule condition du succès de cette politique.
Mais la mise en œuvre de ces propositions n’aura qu’une efficacité limitée si la communication autour de ces « parcs-relais » n’est pas portée plus efficacement à l’attention de tous les automobilistes, et ce, par exemple, en stipulant cette gratuité sur les panneaux de signalisation.
Ensuite, il s’agirait d’équiper tous les parkings de stations de vélos en libre service, et de faire correspondre les « parcs-relais » avec une desserte du centre ville par de véritables pistes cyclables à part entière.
Enfin, il serait bienvenue de compléter l’offre des vélos jaune par quelques modèles junior, donc plus petit, ce qui permettrait un accès familial à ce service.
Seule la mise en place de ces mesures justifierait partiellement, c'est-à-dire en haute saison touristique, l’augmentation de la tarification du parking Saint-Jean-d’Acre puisqu’elle démontrerait une réelle volonté de la municipalité d’éloigner le trafic automobile du centre de la ville. Mais parce que jusqu’ici aucun équipement, ni service supplémentaire, ne justifie la hausse du ticket de stationnement à cet endroit, le retour à la situation antérieure tant au niveau des tarifs que des amplitudes me semble incontournable.
À La Rochelle, nous assistons au développement des zones horodatées (900 places passent actuellement de gratuites à payante 8) plutôt qu’à l’instauration du disque européen de stationnement qui permet d’éviter les véhicules ventouses sans contrepartie financière, mais également à l’augmentation de la tarification par l’intermédiaire de la multiplication des parkings sous-terrain (Verdun, Saint-Nicolas, Notre-Dame, L’Hôpital…) ou du réaménagement relatif des parkings de surface (Encan, Saint-Jean-d’Acre, Esplanade des Parcs).

Tant et si bien que en parallèles de quelques emplacements de stationnement supprimées, les places onéreuses en ville se multiplient largement plus rapidement que celle moins coûteuses, mais seulement sur une longue durée, des « parcs-relais » en périphérie. Si la municipalité socialiste poursuit cette politique, je crains qu’elle ait de plus en plus de mal à nous faire croire que son seul objectif soit de limiter le trafic automobile au centre de la ville.
À défaut de limiter le nombre de véhicule intra-muros, le leitmotiv municipal, qui veut que « le centre-ville ne peut pas laisser entrer toutes les voitures9 », conditionne les mentalités à ce que la liberté d’accès de l’automobile à la capitale de la Charente-Maritime soit proportionnelle à la solvabilité de son conducteur. La Rochelle, qui a été pionnière dans l’écologie urbaine sous la mandature de Michel Crépeau, se contente depuis trop longtemps de vivre sur son héritage. Il ne m’étonnerait pas que ceux qui esquissent aujourd’hui ce qui ressemble à une nouvelle enceinte en plaçant des parkings en périphérie de la ville, aient une idée derrière la tête. C’est ainsi que suite à une réorganisation du stationnement et des transports en commun, j’ai l’impression que l’on assiste à la mise en place, tout d’abord dans les esprits et ensuite progressivement dans les faits, et ce avec toutes les dérives que cela peut comporter10 , des jalons permettant d’aboutir à un Péage Urbain Rochelais (P.U.R.).
1 « Parking Saint-Jean-d'Acre à La Rochelle : par ici la monnaie ! », par Pierre-Marie Lemaire, Sud Ouest, 25 mai 2010 – http://www.sudouest.fr/2010/05/25/parking-saint-jean-d-acre-a-la-rochelle-par-ici-la-monnaie-100719-1391.php
2 « Yélo: à la carte ! », Site officiel de La Rochelle – http://www.ville-larochelle.fr/cadre-de-vie/deplacements.html
3 « STADE MARCEL-DEFLANDRE. La nouvelle tribune Port-Neuf, vue par Maxime Bono », recueilli par Frédéric Zabalza, Sud Ouest, mercredi 16 Septembre 2009.
6 « Taxe carbone: Ségolène Royal dénonce un impôt “injuste” », AFP par Libération, 30 août 2009 – http://www.liberation.fr/politiques/0101587819-taxe-carbone-segolene-royal-denonce-un-impot-injuste
7 Indiqué sur le site de la ville comme « situé à 500 m de la vieille ville » (http://www.ville-larochelle.fr/cadre-de-vie/deplacements/stationnement-sur-les-parkings.html), un calcul d’itinéraire sur Google Earth nous apprend que de la sortie du parking-relais Jean-Moulin au centre du Quai Duperré, il faut déjà compter 1,6 km.
9 « Yélo: à la carte ! », Ibidem
10 « Le péage urbain : une taxe sur la liberté ? », par Matthieu Déborbe, publié dans Reinette verte, Salamandre électrique, 29 avril 2010 – http://zoomcite.wordpress.com/2010/04/29/stockholm-peage-urbain/
Vous êtes sur le site fabricerestier.free.fr