Stops : Ne tombons pas dans le panneau !
Cette juxtaposition de stops à quelques mètres les uns des autres dans une avenue de La Rochelle a médiatiquement débordé du périmètre municipal. Cependant j'attire votre attention sur la façon dont le débat est posé à tort, de telle sorte qu'il se limite à présenter une opposition entre deux revendications. En vérité la situation n'est que le résultat de 20 ans d'idéologie qui a confondu vivre ensemble et marche forcée.

D'un côté nous avons les automobilistes qui veulent naturellement rouler sans être perpétuellement empêchés, et accusés de tous les maux liés à la circulation, avec des commerçants qui luttent désespérément pour ne pas voir leur investissement péricliter à cause d'une réglementation routière dont l'écho dans les radios et les chaînes de télévisions nationales aurait dû suffire à convaincre les instigateurs de l'incongruité de l'opération. D'un autre nous avons des habitants qui veulent faire du vélo en sécurité, voir la vitesse des véhicules diminuer, et éviter que leurs rues se voient envahies par la circulation automobile. Difficile de trancher dans ces conditions, puisque chacun a toute légitimité à revendiquer ses positions.
C'est tout l'intérêt de la stratégie d'acceptabilité sociale que de montrer une situation apparemment inextricable pour faire en sorte que la solution ne puisse émerger que par un argument imparable : la santé. L'acceptabilité sociale, c'est un concept consistant à vous convaincre du bien-fondé de ce que le simple bon sens réfute à priori, le tout agencé à prix d'or par des cabinets conseils financés par nos impôts lorsqu'il s'agit de projets de municipalités ou de collectivités. Ou comment nous payons nous-même un processus qui influence l'avis d'une majorité, dont nous faisons souvent partie, pour atteindre des objectifs fixés par une minorité d'agents zélés de l'administration qui conseillent nos édiles dans l'ombre.
En l'occurrence, les riverains du quartier concerné ne peuvent qu'avoir gain de cause puisque le principal commerçant impacté est un marchand de tabac (et comme on le sait depuis longtemps, le tabac, c'est tabou1 …) et que les automobilistes polluent. On en est là au niveau des justifications dans les commentaires sur les réseaux sociaux, à savoir la réduction au mépris social des «gars qui fument des clopes et roulent au diesel2 ».
Je vais éviter de nourrir la polémique en lançant un débat sur la différence d'émission de pollution entre une automobile qui roule à vitesse constante comparativement à une automobile qui relance son accélération après chaque stop, et sur les services rendus par un commerce dans un quartier qui n'en dispose presque plus. Un désert marchand qui se profile également dans un autre quartier de La Rochelle, à Tasdon, où la situation ne serait pas bloquée3 si la municipalité avait consacré autant de temps et d'énergie à l'entretien du pont qu'elle en a mis à l'élaboration du pôle multimodal de la gare et à sa passerelle.
J'en viendrai directement au dernier argument en faveur des stops qui est, bien évidemment dans la ville de Michel Crépeau, son héritage visionnaire que constitue la place en ville donnée au vélo. Ses successeurs, visiblement en manque d'inspiration, n'ont fait qu'entretenir une rente politique écologique (un peu moins écologique d'ailleurs depuis l'apparition du vélo électrique) récemment rafraîchie avec le projet "La Rochelle Territoire Zéro Carbone4 ". Malgré ce dernier engagement, et pas le moins du monde gênée par la contradiction, la municipalité actuelle supporte toujours avec ferveur la configuration, voir l'extension, du Stade rochelais avec ses 13 500 abonnés dont la venue d'une majeure partie se traduit par une invasion automobile mensuelle de Port-Neuf et des quartiers alentours avec « des gens qui viennent de Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire, du Poitou-Charentes5 ». Il faut préciser que quelques-uns de ces supporters, privilégiés selon je ne sais quels critères, bénéficient d'un stationnement réservé qui se traduit par la privatisation du parking public en face du stade pour l'occasion. Il faut croire que là, l'automobile n'est pas plus un problème que ses alternatives ne sont une priorité pour l'équipe municipale en place6 . Au-delà de la situation géographique du stade qui n'a pas fini de poser question, nous avons aujourd'hui des cyclistes qui, parmi les multiples infractions au code de la route commises par certains, ne respectent pas davantage les stops dans l'avenue qui nous intéresse que dans les autres, et tous styles de « mobilités douces » électriques qui roulent au-delà des 30 km/h sur des espaces piétons. Mais Michel Crépeau n'est plus là pour anticiper les problèmes urbains, corriger les incohérences et les dérives, éviter de privilégier les uns aux dépens des autres, et adapter la politique locale en fonction de l'évolution des mentalités, des comportements et de la technologie.
Cependant tout cela n'explique qu'en partie pourquoi la situation a évolué de telle sorte que la cohabitation devient insupportable entre les automobilistes et les résidents au grand dam de la buraliste sur l'avenue de Fétilly. Pour en trouver l'origine principale, il faut remonter en 2004 et se rapprocher du vieux port, année où commença sa piétonisation et la mise en sens unique du quai Duperré7 , tout en se délectant aujourd'hui des déclarations du maire de l'époque qui n'était soi-disant « pas favorable à un centre-ville piéton ». Maire dont un des conseillers municipaux de son bord n'est autre que le Maire actuel. Après des années d'enfumage à l'aide de « stratégie d'acceptabilité sociale », et une circulation sur le vieux port finalement totalement interdite en 2015, les autres quartiers payent aujourd'hui les conséquences de ce que j'annonçais il y a vingt ans de cela, à savoir une « volonté évidente de repousser les voitures en périphérie ». Mais sur ce coup je n'ai aucun mérite, car il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que des véhicules dont vous interdisez la circulation sur le port, et de plus en plus largement en centre-ville, se retrouveraient inévitablement ailleurs. Et lorsque les artères principales de la périphérie se voient par conséquent saturées, ce sont les avenues, rue et ruelles adjacentes qui héritent de ceux qui cherchent une échappatoire à ce qui n'est que l'aboutissement inéluctable de décisions aberrantes, radicales et partisanes.

La mairie joue le juge de paix dans une affaire relatée par les médias comme s'il s'agissait d'un problème de vivre ensemble. Mais cette situation est la conséquence directe de choix municipaux effectués il y a vingt ans, et prorogés depuis, par les mêmes que ceux qui sont aujourd'hui aux manettes, et qui a pour résultat de dresser les riverains les uns contre les autres. S'il y a un stop à ériger, c'est dans le cadre d'un processus démocratique qui aura pour effet de donner un coup d'arrêt à cette idéologie dont l'application à géométrie variable se fait au détriment de l'intérêt général. Car l'affaire des stops de Fétilly, qui fait la une nationale des faits divers de l'urbanisme local, n'est qu'un des symptômes d'un plan de circulation qui provoque une congestion généralisée et des difficultés d'accès aux heures de pointe à une ville atypique de par sa situation en bord d'océan, avec une ceinture routière partielle qui suit approximativement l'implantation des anciens remparts.
Les forces politiques à la manœuvre de la belle et rebelle n'ont pas d'autres idées que la muséification du centre-ville, et surtout pas la remise en cause d'une doctrine qui crée des problèmes là où il n'y en avait pas. A la psychologie environnementale8 elles préfèrent la marche forcée que dissimule mal les roueries de l'acceptabilité sociale. A défaut de volonté pour réhabiliter ne serait-ce que l'idée du tunnel sous le chenal de La Rochelle9 , elles ne veulent même pas discuter de la possibilité plus abordable de rouvrir les abords du vieux port à la circulation automobile en semaine, hors période de vacances scolaires. Ce n'est pas dans ce contexte que des projets ambitieux et bénéfiques pour tous pourront fleurir, telle que mon idée pour la gare10 dont un des mérites aurait pourtant été de régler au passage l'obstacle du pont défaillant. Dans ces conditions, autant la prévision que j'avais formulé il y a vingt ans s'est avérée exacte, autant il ne fait aucun doute que l'actualité rochelaise à venir se démarquera par une multiplication des conflits entre habitants, commerçants, automobilistes et adeptes de l'écomobilité, conflits qui ne sont que la conséquence d'une politique de circulation organisée par la municipalité.
Sources :
1 Moneta. (2021, 4 février). LE PARI . . . Le tabac c'est tabou [Vidéo]. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=XhG8tbhWLOU
2 Sugy, P. (2018, 5 décembre). Le mépris sidérant de Griveaux pour les « gars qui fument des clopes et roulent au diesel » . Le Figaro. https://www.lefigaro.fr/vox/monde/2018/10/29/31002-20181029ARTFIG00214-le-mepris-siderant-de-griveaux-pour-les-gars-qui-fument-des-clopes-et-roulent-au-diesel.php
3 Blanchot, A. (2024, 15 novembre). « C'est l'immobilisme total » : à La Rochelle, le pont de Tasdon fermé à la circulation depuis un an faute de financements. leparisien.fr. https://www.leparisien.fr/charente-maritime-17/cest-limmobilisme-total-a-la-rochelle-le-pont-de-tasdon-ferme-a-la-circulation-depuis-un-an-faute-de-financements-15-11-2024-ALUYOVH66FARTOEPCXWLBSZU7M.php
4 La Rochelle Territoire Zéro Carbone. (s.d.). https://www.agglo-larochelle.fr/projet-de-territoire/territoire-zero-carbone
5 Lechevestrier, F. (2025, 4 janvier). Rugby : La Rochelle-Toulouse, à guichets fermés au stade Marcel-Deflandre pour le 100e match de championnat d'. Franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/sports/rugby/top-14/rugby-la-rochelle-toulouse-a-guichets-fermes-au-stade-marcel-deflandre-pour-le-100e-match-de-championnat-d-affilee_6993131.html
6 Ouest, S. (2015, 4 septembre). Stade Rochelais : la fin des navettes gratuites pour aller au stade. SudOuest.fr. https://www.sudouest.fr/sport/rugby/stade-rochelais/stade-rochelais-la-fin-des-navettes-gratuites-pour-aller-au-stade-7554790.php
7 L'alternative rochelaise | Politique | Un plan de circulation qui n'a pas de sens. (s.d.). http://fabricerestier.free.fr/plan_de_circulation_lr.html
8 L'alternative rochelaise | Politique | La densification résidentielle, enjeu des élections municipales (s.d.). http://fabricerestier.free.fr/densification_municipales_election_2020.html
9 L'alternative rochelaise | Politique | LR apaisé, PLUi aux alentours. (s.d.). http://fabricerestier.free.fr/plui2019cdalr_final.html
10 L'alternative rochelaise | Politique | ZAC Espaces gare. (s.d.). http://fabricerestier.free.fr/nouvelle_gare_rochelle_aytre.html
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