Mise à jour effectuée le 29/07/2012.

La vérité de La Pallice

Projeter une unité de production de méthylate de sodium peut déjà interroger eu égard aux inconvénients liés aux produits nécessaires à son élaboration. Mais au-delà des risques SEVESO, il conviendra de dénoncer l’entêtement des industriels et des élus à poursuivre une idée, celle qui veut que par tous les moyens se développent les agrocarburants, alors qu’une tentative comparable dans la même zone portuaire s’est pourtant déjà révélée être un échec.


Projet d'atelier vu depuis le Belvédère
Vue depuis la terrasse panoramique du Belvédère à La Rochelle
(46°10'28.99"N;1°13'9.47"O, c'est-à-dire au pied du pont
qui permet d'accéder à l'ile de Ré)

Le méthylate de sodium est donc obtenu par réaction entre le méthanol et le sodium.

Tout d’abord, le stockage de méthanol amène le site à être classé seuil haut selon la directive SEVESO 2. Mais il se trouve que les « contraintes techniques en matière de sécurité et d’environnement1 à la proximité d'une entreprise (…) classée Seveso» ont déjà empêché l’implantation d’autres entreprises pourtant plus en phase avec l’ADN de La Rochelle. Si la zone portuaire de La Pallice a une vocation industrielle et maritime, elle n’a pas pour autant vocation à s’isoler du reste de la ville. C’est pourtant ce qu’il se passe lorsque se multiplient les sites SEVESO. Ces derniers interdisent l’accès à d’autres entreprises qui elles, pourtant, auraient l’avantage de ne pas souffler sur les braises des exaspérations citoyennes de ce quartier, et ne nuiraient pas à la sécurité de ceux qui habitent à l’intérieur et au-delà.

Ensuite, le fait d’entreposer le sodium sur un site situé dans une zone portuaire, donc à proximité de l’océan, lorsque l’on sait que « les risques d’explosion du sodium n’existent que dans le cas d’un contact avec l’eau2 », s’apparente à de l’inconséquence. Je n’ose imaginer le résultat si jamais l’improbable se produisait, à savoir qu’en plus du sodium, le produit final, à savoir le methylate de sodium, soit victime d’une inondation. Il faut savoir que ce dernier « se décompose au contact de l’eau, produisant du méthanol, ce qui accroît le risque d’incendie3 ». C’est à croire que les enseignements de Xynthia ont déjà été oubliés. Pourtant, il s’agit du parfait exemple pour démontrer que l’improbable peut justement se produire, que l’océan qui n’est qu’à 400 mètres des futures installations peut s’inviter en des lieux où les « responsables » n’avaient pas imaginé qu’il puisse aller, et qu’au final il peut provoquer des drames qu’aujourd’hui personne ne peut plus réparer.

Vue de haut du projet d'atelierMais venons-en à ce qui me parait être le centre du problème, tant il démontre l’irrationalité dont peuvent faire preuve nos élites lorsqu’elles se trouvent être tellement charmées par les sirènes de la ruée vers l’or vert que de toute évidence plus personne ne peut les ramener à la réalité. En juin 2007, j’avais pourtant essayé de sensibiliser citoyens, élus et médias de l’inanité du projet d’édification d’une usine de biodiesel à La Rochelle–Pallice, et de son unité pilote d’ester éthylique d’huile végétale4. J’aurai alors souhaité que l’on s’interroge sur « le problème de la finalité de l’économie rurale », je soulignais la « flambée des cours dont nous allons payer les retombées au niveau des produits alimentaires », je pointais du doigt « ce qui ressemble à une collusion tacite » avec « ceux qui tirent le bénéfice des OGM » et donc de la privatisation du patrimoine naturel, et ce sans compter les éventuelles conséquences sanitaires à long terme de cette agriculture d’apprentis sorciers.

Xavier BEULIN, le Président de la Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux depuis 1999, qui a été nommé Président du Grand port maritime de La Rochelle depuis décembre 2008, se trouve aussi être élu Président de la FNSEA (fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) depuis le 16 décembre 2010. Qu’un seul homme concentre ces activités peut aider au développement de la filière des agrocarburants, tant dans ce domaines elles se trouvent être complémentaires. Pourtant l’unité pilote de biocarburants de la Pallice est à l’arrêt depuis début 2012, et la société Bionergy pilot (dont l’un des actionnaires à hauteur de 37 % était la société Sofiproteol, présidée par Xavier BEULIN), qui en était le support juridique, a été placée en liquidation judiciaire. Bien qu’ignorée par les uns et les autres à l’époque, je constate qu’une partie de mes craintes se trouve aujourd’hui justifiée. En effet, c’est tout simplement « la hausse du prix de la graine (colza et soja) sur laquelle repose tout le processus industriel de production de l’ester éthylique et du biocarburant5 » qui a finalement eu raison de ce projet.  

De toute évidence moins perspicace que votre serviteur, l’Etat, la région et le département n’ont aucunement hésité à se fourvoyer dans cet égarement industriel en contribuant au financement de l’unité de fabrication de La Rochelle–Pallice pour un total de 6 millions d’euros ! Et au plan local, celle qui était alors la vice-présidente UMP du Conseil Général de Charente-Maritime, Dominique MORVANT, parlait de « vraie stratégie d’innovation6 », pendant que le député-maire PS de La Rochelle, Maxime BONO, affirmait que « tous ensemble, nous faisons avancer les choses7 »…

Le projet
Le projet tel qu'il est présenté par EnviroCat Atlantique
à l'adresse http://www.envirocat.fr/pages/implantation-du-projet.html

Aujourd’hui, cette enquête publique sur le projet d’unité de production de méthylate de sodium nous confronte à ce qui n’est qu’un autre maillon de la même chaine technologique. En effet, le méthylate de sodium, issu d’un procédé de fabrication faisant intervenir du sodium et du méthanol, sert de catalyseur dans la transformation d’huiles végétales en biodiesel. Et là encore, nous constatons le même enthousiasme de la majorité des élus qui, au Conseil municipal de La Rochelle, donnent leur accord, et dans les médias ventent « le caractère innovant du process8 ». Et là encore, les institutions publiques ne manqueront pas de contribuer financièrement à ce projet qui n’a vocation qu’à rapporter qu’aux seuls industriels (sept personnes suffiront à faire tourner les installations 24 heures sur 24, cinq jours sur sept). Mais là encore, les mêmes se fourvoieront une fois de plus dans une voie sans issue comme le laisse déjà présager l’évolution du cours des céréales9, et ce au frais du contribuable. A moins que, dans la grande sagesse qui caractérise ceux qui n’ont aucun intérêt dans l’affaire, il soit émis un avis objectif sur le projet.

Cuiusuis hominis est errare,
nullius nisi insipientis in errore perseuerare10.

Ciceron, Philippiques, XII. 2, 5.

Le constat et la conclusion semblent tellement aller de soi qu’ils pourraient rejoindre facilement la litanie des vérités de La Palice. Mais étant donné que l’histoire a souvent tendance à bégayer, je préfère préciser distinctement le message que je désire faire passer ici. J’ai quand même du mal à croire qu’au sein de l’aréopage dont dépend ce projet personne n’ait encore publiquement fait le rapprochement entre l’issue pathétique de l’unité pilote de biocarburants et le projet d’unité de production de méthylate de sodium. Pourtant il me semble évident que l’on s’apprête à commette deux fois la même erreur !






Sources :

1 « Alliaura renonce à La Pallice », L'Usine Nouvelle, publié le 15 janvier 2008 – http://www.usinenouvelle.com/article/alliaura-renonce-a-la-pallice.N22476

2 EnviroCat Atlantique – http://www.envirocat.fr/pages/faq.html

3 Fiches internationales de sécurité chimique - http://training.itcilo.it/actrav_cdrom2/fr/osh/ic/nfrn0771.html

5 Philippe Baroux, « Il n'y a plus de pilote sans biocarburant », Sud Ouest, vendredi 3 février 2012 – http://www.sudouest.fr/2012/02/03/il-n-y-a-plus-de-pilote-sans-biocarburant-623460-757.php

6 Journal d’information de la ville de La Rochelle – Décembre 2006.

7 « BIOCARBURANTS : La Rochelle commencera petit », par la Caisse rochelaise d’entraide aux familles des marins péris en mer – http://www.crefmpm.com/article.php3?id_article=21&id_rubrique=13

8 Maryline Simoné, l’adjointe qui a suivi le dossier à la mairie, dans Sud Ouest, « EnviroCat va-t-il jouer les catalyseurs ? », 27 juin 2012 – http://www.sudouest.fr/2012/06/27/envirocat-va-t-il-jouer-les-catalyseurs-755036-706.php

9 Mathilde Damgé, « Sécheresse aux Etats-Unis, les cours des céréales flambent », Le Monde.fr, 20 juillet 2012 - http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/07/20/secheresse-aux-etats-unis-les-cours-des-cereales-flambent_1736460_3234.html

10 Tout homme est sujet à l’erreur; il n’appartient qu’à l’insensé d’y persévérer.





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