Mise à jour effectuée le 4/07/2010.

Entre parasols et parapluies

La mairie de La Rochelle considère que les parasols des brasseries déployés sur le trottoir du quai Duperré sont dangereux dans le sens où ils réduisent le passage des piétons qui du coup se retrouvent sur la chaussé à la merci de la circulation automobile, et notamment des énormes bus Illico. Par conséquent, la municipalité a interdit ces ombrelles géantes et averti les contrevenants qu’ils encouraient une amende de 1 500 €, voir de 3 000 € en cas de récidive. Il semblerait que les occupants de l’hôtel de ville s’abritent derrière le prétexte sécuritaire afin de poursuivre la mise en œuvre de leur Plan de Déplacement Urbain (PDU) dont les brasseries risquent, à leur tour, de payer la note.

Les piétons entre les parasols et le bus Illico sur le quai Duperré
Les piétons entre les parasols et le bus Illico sur le quai Duperré

Pour ceux qui n’auraient pas arpenté le quai Duperré récemment, il faut quand même savoir que ces parasols ne dépassent pas l’emprise du mobilier des restaurateurs sur le trottoir. Donc si les piétons sont soi-disant gênés par ces équipements de terrasses, les supprimer ne résoudra en rien le problème puisqu’il restera les tables et les chaises… A moins que la mairie n’espère que les patrons des cafés, voyant ainsi leurs terrasses désertées puisque soumises à des températures caniculaires, ne réduisent la voilure de leurs installations, libérant ainsi une partie du trottoir, et évitant subséquemment que les passants ne slaloment avec les transports en commun. Car il faut savoir que ce sont les chauffeurs de bus, bus dont le gabarit à augmenté depuis l’année dernière avec le modèle Illico, qui auraient saisis la municipalité. Mais la mise en circulation de ces nouveaux bus n’est qu’une des nombreuses conséquences de la politique du déplacement urbain voulue par la ville. Les autres conséquences pouvant se résumer par la paralysie du développement économique intra-muros, paralysie accentuée par la délocalisation périurbaine provoquée par l’instauration de la Zone Franche Urbaine à La Pallice1 ou celle d’Elcidis2 .

Il existerait donc un « problème de sécurité (…) des piétons (…) qui ont ainsi tendance à descendre du trottoir », et « risquent d’être heurtés par les bus Illico3  », si l’on en croit l’élue Sabrina Laconi. Mais cette dernière ne m’a pas paru particulièrement concernée quelques semaines plus tôt, à l’occasion de la Cavalcade, si j’en crois la presse locale. Mais peut-être ai-je été victime de distraction à l’époque tant j’étais focalisé sur une autre aberration4 largement passée sous silence par la presse en question. Quoi qu’il en soit, les installations des forains situés quai Valin occupaient alors tout le trottoir, et repoussaient les passants sur une partie de la chaussée devenue piétonne pour l’occasion. Mais les bipèdes et les engins motorisés se frôlaient néanmoins dangereusement vu qu’aucune barrière ne marquait la séparation.

De plus, cette prohibition des parasols aura des conséquences sanitaires sur une population déjà largement stigmatisée, celle des fumeurs. Avec l’interdiction de fumer dans tous les lieux publics rendue possible grâce au décret signé en novembre 2006, et ce notamment par le Premier ministre, Dominique de Villepin, et le ministre de la santé et des solidarités, Xavier Bertrand, ils sont plus sûrs de mourir d’une pneumonie en hiver que d’un cancer des bronches. Et maintenant c’est dans l’indifférence de la majorité municipale socialo-écolo rochelaise qu’ils seront les premières victimes des insolations. Ainsi le Plan de Déplacement Urbain de la ville de La Rochelle, qui donne la priorité aux bus Illico face aux parasols, semble être plus vital que le plan national canicule détaillé la même semaine 5. Les hygiénistes de tous poils auront ensuite beau jeu de souligner la mortalité prématuré des amateurs de tabac alors que la santé de ces derniers est tout d’abord la proie des aléas climatiques, et de décisions politiques. Mis à part Bercy, plus grand monde ne semble s’intéresser au devenir des fumeurs, cependant nombreux sur l’un de leur dernier refuge qu’est le parvis des cafés.

Il existe pourtant des solutions qui pourraient satisfaire toutes les partis, et également assurer la sécurité des terrasses. Car si les promeneurs peuvent être distraits quant à leur cheminement, nul n’ignore qu’il est aussi concevable qu’un véhicule puisse faire une embardée au milieu des clients attablés. En suivant l’esprit du mobilier urbain déjà déployé à La Rochelle, la municipalité pourrait border le trottoir de bornes hydrauliques amovibles reliées par une suite d’anneaux entrelacés. Cela donnerait à l’ensemble une esthétique qui rappellerait les raisons historiques de ce qui existe déjà entre le Cours des Dames et la Tour de la Chaîne, dans un style plus svelte. Ces bornes seraient autonomes afin d’être commandée indépendamment lorsque les établissements se font livrer. La sécurité des passants seraient ainsi assurées en toute circonstance lors des périodes de fréquentation assidue de la belle et rebelle.

Tour de la Chaîne



« Par quoy, craignant Gargantua qu’il se gastast, fist faire quatre grosses chaisnes de fer pour le lyer, et fist faire des arboutans à son berceau, bien afustez.
Et de ces chaisnes en avez une à La Rochelle, que l’on leve au soir entre les deux grosses tours du havre »
Rabelais, Pantagruel.


Et je me permettrai de rappeler que si les automobilistes tournent en rond dans La Rochelle, c’est à cause de la voie sacrifiée sur le Vieux Port à l’attention des piétons ! Donc je ne saurai que trop conseiller à ces derniers qui, après la mise en place des aménagements que j’appelle de mes vœux, se sentiraient encore à l’étroit sur le trottoir du quai Duperré à cause des parasols, d’aller circuler de l’autre côté de la rue, sur le bord du Vieux Port. La ville se doit de demeurer un espace partagé par tous, sans exclusives.

Les piétons n’ont pas besoin des parasols pour marcher sur la chaussée !
Les piétons n’ont pas besoin des parasols pour marcher sur la chaussée !

Si finalement la décision de fermer les parasols des brasseries du quai Duperré est confirmée, la mairie devra assumer ses responsabilités, et le budget municipal se devra d’être redevable aux établissements concernés du manque à gagner de ces derniers. Car ce n’est pas aux brasseries à payer la facture du Plan de Déplacement Urbain, mais aux élus à assumer leurs choix et leurs effets en présentant aux administrés l’addition à laquelle conduit leur politique.  Mais là, il y a fort à parier que ceux qui aujourd’hui veulent fermer les parasols seront les mêmes demain à vouloir ouvrir les parapluies…






1 « Centre de broyage ou accélérateur de délocalisation », 30 avril 2010 – http://fabricerestier.free.fr/centre_de_broyage.html

2 « Les rochelais subventionnent leurs délocalisations », 4 février 2008 – http://fabricerestier.free.fr/elcidis.html

3 « Le parasol de la discorde », par Marie-Claude Aristégui, Sud Ouest, 2 juillet 2010 – http://www.sudouest.fr/2010/07/02/le-parasol-de-la-discorde-130758-1391.php

4 « C’est la fête ! », 27 mai 2010 – http://fabricerestier.free.fr/cestlafete.html

5 « Plan canicule 2010 : c’est parti », par Caroline Ovary, TopSanté.com, 2 juillet 2010 – http://www.topsante.com/actualite/view/181429/Actus/Plan-canicule-2010-c-est-parti





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