Ici, ici, c’est la chienlit !

Le quartier de Port Neuf pourrait paraitre séduisant pour quelqu’un qui y passerait au bon moment. De la piste cyclable qui longe la baie à ce savant équilibre entre urbanisme et végétation, il est vrai qu’en apparence il se dégage un climat apaisé. Mais lorsque l’on réside dans les HLM à proximité du stade, on réalise que l’isolation sonore vous oblige à partager la vie de vos voisins, que la fréquentation des abords des places de l’île de France et Petrozavodsk est comparable à celle de la fontaine du Pilori au bout de la rue du Minage, et que les jours de marché constituent une partie de plaisir en terme de circulation et de stationnement comparés aux jours de match à domicile de l’ASR.

Chacun se réjouira que La Rochelle dispose encore d’évènements aussi fédérateurs que les matchs des jaunes et noirs à Port-Neuf, surtout lorsque la municipalité n’hésite plus à faire une croix sur certaines infrastructures comme c’est le cas à Villeneuve-les-Salines aux dépens du Parc expo1. Mais chacun comprendra également que les riverains n’aient pas à en subir les conséquences au-delà d’une certaine limite. Et bien que les équipements sportifs en question occupent cet espace depuis de nombreuses décennies, ce sont des choix politique d’urbanisation qui ont décidé de l’implantation de terrains constructibles, des logements HLM et des zones industrielles à proximité. Certaines de ces zones, désormais classées SEVESO, sont soumises à des menaces d’une autre nature que celles qui pouvaient peser sur elles par le passé2. Si les performances des rugbymans rochelais et la contenance du stade ont évolué, il se trouve que les réglementations en ce qui concerne l’environnement ainsi que celles afférant à la sécurité des biens et des personnes l’ont fait aussi.

Mais force est de constater que la seule chose qui n’ait pas changé depuis tout ce temps à La Rochelle, c’est le nombre de place de stationnement à Port-Neuf puisqu’il n’y en a toujours aucune spécifiquement dédiée au stade.

La fréquentation croissante du stade Marcel Deflandre se fait au détriment d’un périmètre de riverains en expansion continue, ou autrement dit à celui d’autres quartiers. Une affluence record de 15 000 personnes fut observée pour le match opposant La Rochelle au Stade français le 2 avril 2016. Les moyens de transports et les emplacements de stationnement se sont multipliés et diversifiés pour le centre-ville avec notamment la construction de nouveaux parkings souterrains ces 20 dernières années (Verdun et Saint-Nicolas). Bien que le stade ait encore récemment développé la capacité d’accueil de son enceinte avec l’avis majoritaire du Conseil Municipal de La Rochelle, ni l’Atlantique Stade Rochelais, ni la municipalité, ne se sont souciés des dommages collatéraux comme en témoigne le procès-verbal3.

qui se veut pourtant en pointe sur la défense de l’environnement, face à la pollution automobile (alors que celle-ci constitue un argument central pour justifier la piétonisation du Vieux Port…), et au stationnement systématique des véhicules sur les espaces verts, et notamment la pelouse des allées du Maréchal de Lattre de Tassigny.

Les nuisances aux riverains commencent presque 3 heures avant les rencontres. A partir de là et au fur et à mesure que l’heure du match approche, il devient de plus en plus compliqué d’accéder au quartier de Port Neuf. Se garer sur la voie publique à proximité de son lieu d’habitation est alors impossible étant donné l’afflux et l’anarchie qui règnent en termes de stationnement. De plus le service d’ordre de l’ASR interdit le passage des véhicules devant le stade et privatise la place de l’île de France pour la réserver au stationnement de ses « VIP »4. L’arrêté municipal qui autorise la première mesure, spécifie par contre qu’en ce qui concerne la Place de l’île de France « les emplacements de stationnement accessibles à partir de la rue de Bretagne sont réservées pour la clientèle des commerces de la galerie marchande5 »…

Avec 15 000 spectateurs, c’est tout le quartier de Port Neuf, et au-delà, qui se voit investi par des milliers de véhicules qui viennent même de départements limitrophes. De toute évidence, les polices municipales et nationales deviennent inopérantes pendant les heures entourant les matches. J’en veux pour preuve les stationnements sauvages au beau milieu de la rue, notamment sur l’avenue Jean Guiton, et ce pendant des heures, sans que la moindre contravention soit dressée, ni que la fourrière intervienne alors qu’elle sait pourtant le faire avec célérité à La Rochelle. Ou encore le fait de n’avoir jamais observé une opération de contrôle d’alcoolémie à l’issue des rencontres. Les signaleurs de l’ASR sont également absents de la voie publique à la sortie du match, même à l’entrée du parking où pourtant ils filtraient avec zèle les véhicules des VIP avant le début des hostilités.  

Toutes les autorités, publiques comme privées, désertant le secteur à ce moment, les dégradations, volontaires ou non, émanant d’individus alcoolisés (le stade dispose de pas moins de dix buvettes et d’une Bodega…) ou pas, peuvent alors avoir lieu en toute impunité. Souvent les riverains seront réduits à constater les dégâts le lendemain sur leur véhicule, s’ils ont réussi à le garer avant l’invasion, et à en être pour leurs frais.

De plus, personne ne semble s’inquiéter d’une coïncidence d’évènements qui pourrait rendre la situation ingérable et dramatique. Je veux parler d’un éventuel accident industriel dans l’établissement Rhodia classé Seveso situé à quelques centaines de mètres du stade. Le périmètre du plan particulier d'intervention (PPI) frôle le stade et couvre largement les emplacements de stationnement, autorisés ou non, des jours de match, ainsi que les voies d’évacuations saturées ces jours-là, voir obstruées par des véhicules garés sur la bande centrale séparative des chaussées. Mais ce capharnaüm n’a pas empêché les rédacteurs du PPI de donner la consigne suivante aux populations en cas d’alerte : « dirigez-vous vers le stade Marcel Deflandre6 » !
Que se passera-t-il si un accident a lieu sur le site de Rhodia au moment d’un match ?
Je rappelle que c’est justement une « concomitance exceptionnelle » de surcote marine et d’une pleine mer de coefficient 102, à savoir un phénomène qui a 4% de risque de se produire7, qui a provoqué la mort de 47 personnes lors de la tempête Xynthia.
Les dégâts de la tempête, heureusement uniquement matériels pour ce qui concerne le quartier, ainsi que le récent tremblement de terre8 de magnitude 5, que l’on a bien ressenti notamment à Port Neuf, devraient servir d’avertissement. Et au-delà d’un phénomène naturel ou d’un accident industriel, l’état d’urgence sous lequel nous vivons ajoute le péril terroriste sur ces cibles privilégiées que sont les sites SEVESO.

À grand renfort de communication, la ville ne cesse de se targuer d’avoir apaisé le Vieux Port grâce à la piétonisation des quais, et pour ce faire la volonté politique n’a pas failli. De l’autre côté de La Rochelle, contre toute attente, l’apaisement est seulement et temporairement venu de l’ASR qui a mis en place un système de navettes gratuites pour acheminer les supporteurs au stade Marcel-Deflandre les jours de match, avant qu’il juge que cela lui revenait trop cher !

Ce qui revient trop cher au riverain c’est de financer les réparations de sa voiture emboutie lors d’un match par un individu, qui en plus d’être maladroit, aggrave son cas par un délit de fuite. Au mieux la victime devra s’acquitter de la franchise sous le régime de l’assurance « tous risques », au pire elle devra assumer l’intégralité des frais. Ce dernier cas est certainement fréquent étant donné le nombre d’HLM entourant le stade, habitations généralement caractéristiques de populations à faibles revenus qui économisent sur tout ce qu’elles peuvent.
Cependant l’estimation du nombre de personnes concernées est forcément sous-évaluée pour peu qu’elle ait déjà été faite, si ce n’est impossible étant donné que la plupart ne porteront pas plainte vu le peu de chances de retrouver le coupable, ou ne déclareront rien à l’assurance (si ils sont assurés) pour ne pas payer la franchise si la voiture est encore en état de rouler. Lorsque l’on réalise que ce genre de sinistre peut se répéter dix-huit fois rien que pour la saison 2015/2016, étant donné le nombre de rendez-vous à domicile du Stade Rochelais, vous comprendrez aisément que la situation n’est pas tolérable.

C’est pour dédommager les victimes et anticiper un drame, que j’adresse cette lettre ouverte aux parties prenantes dans cette affaire.
A la préfecture de parer au plus pressé en faisant en sorte que les abords du stade Marcel-Deflandre, et plus largement le périmètre où se garent les spectateurs, soit l’objet d’une surveillance digne de ce nom, comme ce doit être le cas lors de tous grands rassemblement, et ce encore plus sous le régime de l’état d’urgence aux abords d’une zone SEVESO!
A la mairie de faire en sorte de garantir aux riverains des places de stationnement puisqu’elle sait mettre en œuvre les moyens de le faire dans les parkings du centre-ville. Pour information, le prix de certains des nombreux plateaux surélevés qui minent les routes de La Rochelle et de l’agglomération est de 160 000 €, ce qui correspond au tarif de 1 600 barrières de parking. Ces dernières seraient bienvenues pour permettre aux riverains de Port Neuf de retrouver les jours de match les places qu’ils occupent toute l’année.
A plus long terme, il parait évident que la cohabitation entre une population résidentielle, un stade du Top 14 en constante expansion et une zone SEVESO, n’est pas viable. Il conviendra donc d’en tirer les conséquences dans les plus brefs délais, et ce avant l’avènement d’une catastrophe que tout le monde aura beau jeu de déplorer après coup, mais au sujet de laquelle plus personne ne pourra dire qu’il n’a pas été alerté.

Et en attendant, c’est dès maintenant à l’Atlantique Stade Rochelais et à la municipalité de La Rochelle d’assumer leurs responsabilités dans la survenue d’éventuels sinistres, et de se contenter de la concomitance du préjudice et de l’afflux automobile engendré par les évènements organisé par l’ASR pour indemniser ceux qui s’en réclament victimes.