Mise à jour effectuée le 14 janvier 2008.

Le marché de La Pallice est en sursis


Des plans de prévention et de gestion des accidents sont sur le point de voir le jour dans les mois qui viennent. La nature et la portée de ces plans doivent être révélées au grand public avant que leur application soit effective afin que les citoyens puissent donner leur avis sur les documents prévus à cet effet. La population est en droit d’interpeller les élus, et les candidats en cette période électorale, afin de leur demander un positionnement sur ce qui risque de modifier la physionomie de certains quartiers, et la vie des habitants qui n’en seront pas expropriés…

C'était le marché à La Pallice en 2008...
C'était le marché à La Pallice en 2008...

Le PPRT

La loi n°2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, dite loi « Bachelot » ou loi « Risque », prévoit un nouvel outil de maîtrise de l’urbanisation aux abords de certaines installations industrielles : le plan de prévention des risques technologiques, appelé PPRT. Au total, 421 PPRT, concernant plus de 900 communes et environ 650 sites industriels, sur plus de 500 000 installations classées, sont à élaborer. Cette démarche d’élaboration du PPRT s’inscrit au minimum sur une durée de 18 mois. En 2008, la DRIRE, en partenariat avec les services des Directions départementales de l’équipement et sous l’autorité des préfets de département, entre dans la période d’élaboration des PPRT proprement dite. Pour La Rochelle, les établissements concernés par le PPRT sont PICOTY, RHODIA et GRATECAP1.

Une fois approuvé, le PPRT délimite autour des établissements industriels à « hauts risques », dits SEVESO seuil haut ou installations classées AS (autorisation avec servitudes), un périmètre d’exposition aux risques à l’intérieur duquel un zonage réglementaire est institué.

Ce zonage délimite des zones d’interdiction, à l’intérieur desquelles les constructions futures peuvent être interdites, et des zones de prescriptions, à l’intérieur desquelles peuvent être imposées des prescriptions techniques de protection applicables sur les constructions existantes ou futures et des prescriptions d’usage.

Sont également définis des secteurs fonciers possibles :

    ·    ceux à l’intérieur desquels il sera possible de déclarer d’utilité publique l’expropriation2 pour cause de danger très grave menaçant la vie humaine,

    ·    ceux à l’intérieur desquels les communes pourront donner aux propriétaires un droit de délaissement3 pour cause de danger grave menaçant la vie humaine,

    ·    ceux à l’intérieur desquels les communes pourront instaurer un droit de préemption4 permettant d’acquérir les biens immobiliers à l’occasion de transferts de propriétés.

Lors de la gestion individuelle des demandes d’autorisation de construire, tout permis de construire est soumis à l’approbation du maire qui peut le refuser si la demande ne respecte pas les prescriptions de construction et les orientations définies dans le cadre du plan local d’urbanisme. Le PPRT peut prescrire la réalisation de travaux de protection sur le bâti qui doivent être mis en oeuvre par les propriétaires, exploitants et utilisateurs des biens existants dans les délais que le plan détermine.

La loi prévoit notamment qu’une convention conclue entre les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements, les exploitants et les organismes d’habitations à loyer modéré, définisse, le cas échéant, un programme de relogement des occupants des immeubles situés dans un secteur d’expropriation possible. Cette convention peut également associer les autres bailleurs d’immeubles situés dans ces mêmes secteurs.

Le maire est responsable juridiquement de la mise en place de l’ensemble des dispositifs nécessaires à la maîtrise des risques dont il a connaissance sur son territoire. Le PPRT donne une assise juridique solide aux mesures à prendre en matière d’urbanisme et de construction pour gérer le risque technologique. Lorsqu’il porte sur des territoires couverts par un plan local d’urbanisme, il doit lui être annexé, conformément à l’article L.126-1 du code de l’urbanisme, par les soins du maire (…) dans un délai maximum de trois mois à compter de la date de son approbation5.

Dans un souci de bonne gestion du territoire, il sera également important de veiller à la cohérence entre les règles du PPRT et celles du plan local d’urbanisme (PLU), du schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou les plans de déplacements urbains (PDU). Le PPRT peut également comporter un certain nombre de recommandations visant à limiter la circulation automobile où cela s’avère nécessaire, développer des transports collectifs, ou à éliminer des situations de congestion. En présence de mesures de portées différentes sur les nombreux documents qui abordent les points que nous venons de voir, les plus contraignantes seront appliquées.

Les réservoirs d'hydrocarbures de Picoty
Les réservoirs d'hydrocarbures de Picoty

Les communes sur le territoire desquelles le plan doit s’appliquer sont associées « a minima » dans l’élaboration des PPRT. Cela explique sûrement, en période d’élections municipales et cantonales, la discrétion qui règne autour de la future élaboration de ces plans, et surtout des conséquences sur les riverains des quartiers concernés.

Les élus locaux qui l’année dernière encensaient l'émergence d'un nouveau centre urbain sur Laleu-La Pallice, et les 400 logements sociaux supplémentaires en six ans6, ne sont pas très prolixes sur la pérennité de ce développement lorsque dans deux ou trois ans s’imposera le PPRT. Si le PPRT du dépôt d’hydrocarbures PICOTY et des entrepôts d’engrais chimiques GRATECAP intéresse plus particulièrement les riverains de Laleu et de La Pallice, celui du site de RHODIA concernera forcément les habitants de Port Neuf qui savent par expérience7 qu’ils seraient touchés de plein fouet si une catastrophe venaient à se produire.

Les premiers documents du schéma de cohérence territorial (SCOT) qui sont sensés « imaginer 15 ans de la vie de notre territoire » comportent PLH, PDU, CDUC, PLU, PADD, DOG8 en veux tu en voilà, mais pas la moindre trace du PPRT alors que pourtant, il s’imposera à tous les autres plans ! Les propriétaires, les locataires, et tous ceux qui viennent ne serait-ce qu’épisodiquement dans les quartiers concernés, devraient interroger leurs élus actuels et les candidats déclarés sur le mutisme dont il font preuve par rapport à cette législation qu’ils ne peuvent pas ignorer.

Le PPI

Mais avant l’élaboration des PPRT, un autre outil destiné à limiter les effets d’un accident survenant sur un site industriel et sur les populations est à disposition du public à la Mairie de La Rochelle ainsi qu’à la préfecture jusqu’au 26 janvier 2008. Il s’agit du Plan Particulier d’Intervention concernant GRATECAP (Grossiste en produits fertilisants chimiques et minéraux). Si les PPRT sont des plans de prévention, les PPI quant à eux sont des plans de gestion de l’accident si celui survient. Les PPRT ne remplacent pas les PPI : les PPI restent en vigueur. Les deux sont donc complémentaires.

Ce PPI, qui n’est pas plus commenté par nos élus que le PPRT, est pourtant intéressant dans le sens ou il prévoit les mesures de protections, l’organisation de l’évacuation, et les points de rassemblement de la population dans l’éventualité d’une catastrophe concernant un établissement que le journal municipal d’octobre 2003 n’hésitait pas à comparer avec celui de Toulouse9. Deux des trois points de regroupement sont la Place du marché de La Pallice et le parking de l’Intermarché. En temps normal, le plan estime à un millier de personne l’effectif de la zone concernée. Mais on peut se demander si la Place du marché de La Pallice est le site idéal pour rassembler et faire patienter une telle quantité de personne dans la perspective d’une évacuation. En effet, depuis l’abord de la Place il est aisé de constater la proximité de l’établissement potentiellement dangereux puisqu’on peut facilement lire quelques lettres de son enseigne en contrebas. De plus la Place est située dans la « zone 2 », c'est-à-dire celle des « effets irréversibles correspondant à la zone de danger significatif pour la vie humaine ». Enfin, l’étude ne garantit aucunement que le risque soit limité aux heures d’ouverture de l’établissement en question, ce qui relativise l’efficacité de ce plan si un incident atteint son apogée un dimanche matin… L’envergure du rendez-vous dominical que constitue le marché fait qu’il attire le chaland de toute l’agglomération, et par delà. Hormis l’impossibilité de mettre en œuvre quoi que ce soit sur cette place lorsque le marché a pris ses aises, la population concernée par le risque est alors multiplié par un facteur que je ne saurai définir, et toute évacuation rapide devient inenvisageable étant donné le trafic attenant à ce surcroît d’activité.

Pour l’avenir du marché de La Pallice, il serait donc essentiel de savoir si ce plan s’applique également le dimanche. Quand bien même, la législation du travail étant amenée à évoluer, le travail dominical à se normaliser, et l’interdiction de rouler le dimanche pour les camions limitée à l’Allemagne et à la France, il y a fort à parier que GRATECAP fera comme la concurrence et ouvrira à terme ses portes sept jours sur sept aux transporteurs qui la desserviront. Le PPI étendra alors son domaine d’action sur l’intégralité de la semaine. D’ailleurs la généralisation de la circulation des camions le dimanche pour l’Europe toute entière n’attend que la ratification du traité simplifié pour être proposée par la Commission, étant donné que la politique des transports affectant le niveau de vie, l'emploi et l'exploitation des équipements (ancien art. III-236-2 du Traité Constitutionnel Européen) est une des compétences implicitement transférées par passage de l'unanimité à la majorité qualifiée. L’Allemagne et la France ne représentent qu’une soixantaine de voix alors qu’il en faudrait 255 pour bloquer une de ces nombreuses directives rétrogrades qui n’attendent que la félonie de nos élus de gauche et de droite pour voir le jour. Je rappelle qu’il est encore temps de se mobiliser en signant la pétition contre le traité simplifié.

 

Situation de Gratecap, Picoty et Rhodia sur La Rochelle

 

Sachant que ce Plan Particulier d’Intervention se doit d’être intégré dans le Plan Communal de Sauvegarde par la ville de La Rochelle, il semble évident que si aucune modification n’est apportée nous devrons accepter la disparition programmée du marché de La Pallice. Ma conception de la « politique de civilisation » m'aurait fait préférer la délocalisation de l’usine GRATECAP sur un site moins peuplé.

Mais déjà d’autres questions sont soulevées par les prochains PPRT :

    - Quel avenir pour les quartiers de Laleu et de La Pallice cernés qu’ils sont par GRATECAP et PICOTY ?
    - La Pallice deviendra-t-elle une zone sacrifiée aux actuelles usines classée Seveso comme semble le démontrer le récent abandon du groupe naval Alliaura Marine qui souhaitait ouvrir un établissement de 6 000 m² et créer une centaine d'emplois ?
     - Est-il judicieux d’investir dans les logements en construction situés entre le boulevard Emile-Delmas et l'Intermarché ?
     - Le projet d'espace musical dans un ancien bâtiment industriel à La Pallice n'est-il pas qu'un effet d'annonce préélectoral ?
     - A quel traitement vont être soumis les habitants de Port Neuf à proximité de RHODIA ?
     - Y’a-t-il des personnes concernées par des risques d’expropriation ?
     - Est-il bien raisonnable de poursuivre la réflexion sur le SCOT sans tenir compte des incontournables à venir des PPRT ?
    - Pourquoi les élus toujours prompts à rappeler « leur devoir tant d'information de la population que de transparence sur les différents dossiers 10 » sont totalement silencieux sur les tenants et les aboutissants des PPI et des PPRT ?






[2] Le préfet déclenche une procédure de déclaration d’utilité publique pour expropriation à la demande du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’urbanisme.

[3] Le droit de délaissement peut être instauré par délibération d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale compétent dans le ou les secteurs délimités par le PPRT.

[4] Le droit de préemption peut être institué par délibération d’une commune ou d’un établissement public de coopération intercommunale compétent. Le financement est dans ce cas à la charge exclusive de la personne publique.

[5] Pour ceux qui désirent une information plus exhaustive, le document de référence est situé à l’adresse http://www.ecologie.gouv.fr/Les-Plans-de-Prevention-des.html

[6] L'élu du quartier entre surprise et mixité sociale, Sud Ouest, vendredi 9 février 2007.

[7] Rhodia La Rochelle et le nuage de suie : explications, vendredi 12 janvier 2007 – http://ubacto.com/la-une-la-rochelle/-100073.shtml

[9] « Enfin, SGMT et Gratecap : ces entreprises manipulent du nitrate d'ammonium et d'amonitrates. A Toulouse c'est, semble-t-il, l'explosion de ces amonitrates mis au rebut qui seraient à l'origine de l'accident du 21 septembre dernier. »

[10] Rumeur et information, lundi 14 janvier 2008, Sud Ouest – http://www.sudouest.com/140108/vil_chm_larochelle.asp?
Article=140108aP1679748.xml





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