Mise à jour effectuée le 26/11/2010.

Jeu de dupes
à La Rochelle

La Rochelle voit s’accumuler les mécontentements des citoyens. Et derrière ces mécontentements, force est de constater que la municipalité a sa part de responsabilité. Cela augure mal de la destinée des nouvelles promesses tout juste formulées.

On pourrait déjà évoquer l’appropriation par le groupe CGR du cinéma Le Dragon, « bel exemple de partenariat public privé1 » pour le maire Maxime BONO. Mais si l’on en croit l’avis du « Piéton », qui se fait souvent l’écho du bon sens populaire, il y a des raisons de regretter l’ancienne version de l’établissement donnant sur le Cours des Dames. Il fut un temps où « la programmation était plus variée, (…) les films n’étaient pas déprogrammés à la dernière minute », où ils « commençaient à l’heure » et n’étaient pas précédés d’ « un quart d’heure de publicités ineptes », et où « les places étaient moins cher2  ». De toute évidence, le cahier des charges3 n’était pas assez exigeant. Les élus en charge du dossier, et en premier lieu le maire, n’avaient de cesse de rassurer les cinéphiles avec la promesse de maintenir les festivals et de bénéficier d’équipements modernes. Mais ils étaient moins prolixes sur tous les aléas qu’engendrerait cette conception du confort vu depuis le partenariat signé entre l’autorité publique et le prestataire privé. Car si ces derniers avaient ouvertement annoncé que le projet était de passer d’un cinéma de quartier à une annexe du Mega CGR en centre ville, je doute que les rochelais soient restés passif face au débarquement de ce distributeurs d’ersatz de culture, qui plus est onéreux, en ce lieu empreint d’histoire qu’est le Vieux Port.

Cinéma CGR Le Dragon
Cinéma CGR Le Dragon

Bien sûr, le CGR s’emploi dorénavant à diffuser des opéras dans ses salles, ainsi que des ballets et des concerts4 . Mais, à l'instar du capitaine Haddock qui avait trouvé la juste expression pour qualifier l’air conditionné, il me semble qu’assister à un spectacle de cette envergure dans une salle prévue pour le septième art revient à se satisfaire d’un opéra « en conserve »… Les complexes Méga CGR, au lieu de se disperser dans de multiples activités qui n’ont plus rien à voir avec le cinéma, feraient mieux de se consacrer à leur mission première. Car les rochelais désireux de visionner le dernier opus de Millenium dans une salle obscure n’ont pas eu d’autre choix que celui consistant à se déplacer à l’Eden Pasteur de Saint-Jean-d'Angély, au Familia de Jonzac ou au Florida de Saint-Savinien pour ce faire ! 
Une fois de plus, si le cahier des charges du cinéma Le Dragon avait été plus exigeant, les rochelais auraient pu bénéficier de 3 cinémas, sans compter la Coursive, qui ne se seraient pas fait concurrence sur la même programmation.

Ensuite on pourrait revenir sur la façon dont sont traités les dossiers concernant le quartier de La Pallice, et notamment ceux de la zone Seveso. La même semaine Maxime BONO exprime sa volonté de « restaurer la confiance » avec les habitants de Laleu – La Pallice, et il propose de donner un avis favorable sur le PPRT (plan de prévention des risques technologiques) de la société GRATECAP. Il n’y aurait pas de quoi être troublé, sauf si l’on sait que l’hypothèse de l’explosion qui a été prise en compte dans l’élaboration du PPI5   (plan particulier d'intervention) ne l’a en revanche pas été pour le PPRT !
Que des élus fassent une confiance aveugle aux experts pour laisser passer de telles incohérences dans l’évaluation du risque n’est pas fait pour contribuer à « restaurer la confiance ».

Vue imprenable sur les citernes de Picoty
Vue imprenable sur les citernes de Picoty

D’ailleurs l’association Respire6 , née de l’opposition aux nuisances des industries classées SEVESO et situées à La Pallice, prend de l’ampleur eu égard à l’accroissement de la menace, mais surtout du comportement de certains élus qui laissent passer tacitement les permis de construire comme celui de cuves destinées à contenir des dizaines de milliers de litres de produits pétroliers. Mais lorsqu’il ne se réfugie pas derrière les experts, Maxime BONO s’abrite, lui et ceux des élus de la majorité municipale qui avaient en charge cette responsabilité, derrière la préfecture : « Nous attendions les résultats d'une étude complémentaire qu'elle avait demandée sur Picoty. Quand ils nous sont parvenus, il était trop tard, le délai légal était passé et le permis de construire tacitement accordé.7 »
J’ose avancer l’hypothèse que si la municipalité avait fait le nécessaire pour relancer la préfecture à ce sujet en toute transparence par le biais des médias locaux, l’administration aurait été plus prompte à répondre dans les temps. Mais peut-être que les élus ont tout simplement oublié ce dossier au milieu de la pile de permis de construire qu’ils ont à traiter. Cependant cela semble tout de même assez étonnant puisqu’une grande partie d’entre eux se targue d’être des fervents supporters du Stade Rochelais. Par conséquent, à chaque match l’entreprise Picoty ne peut que se rappeler à leurs bons souvenirs puisque son nom orne largement le bus des joueurs…

Bus des joueurs du Stade Rochelais
Bus des joueurs du Stade Rochelais

Pour finir on pourrait remettre en perspective les propos de Benoît LEROYER, l’architecte rochelais du parking Saint-Nicolas, qui expliquait au matin du 11 novembre 2010, sur France Bleu, les raisons pour lesquelles les travaux s’éternisaient. Jusqu’à présent, je n’avais entendu parler que de « nombreux dégâts » occasionnés par la tempête Xynthia sur le chantier. Mais l’architecte est allé plus loin : « Le raz de marée a envahi le “ - 5 ” (…). Un test à la submersion : on s’en serait passé ! » Le mot tabou est lâché : le parking Saint-Nicolas n’a pas été seulement victime de quelques « dégâts », mais bien l’objet d’une « submersion ». Cela explique sûrement pourquoi entre initié le parking Saint-Nicolas est surnommé « second aquarium de La Rochelle »…
Mais Benoît LEROYER nous livre une autre information au sujet de la construction de ce parking que l’on ne peut s’empêcher de mettre en parallèle avec les rassurantes conclusions des études menées en vue de l’extension du Port de plaisance des Minimes : « Un chantier de cette ampleur, c’est pas insurmontable mais c’est compliqué. Donc en phase terrassement on a eu des dépollutions, des sous-sols qui étaient pas forcément ceux exactement attendus malgré les études qu’on avait pu faire avant. »
Diantre ! Les experts auraient faillis ?

Parking Saint-Nicolas en construction
Parking Saint-Nicolas en construction

Les citoyens ont le droit de savoir que les expertises menées préalablement à la construction du parking Saint-Nicolas n'ont pas été en mesure de tout prévoir, que certaines pollutions n’avaient donc pas été anticipées, et que par conséquent les sous-sols n’« étaient pas forcément ceux exactement attendus malgré les études qu’on avait pu faire avant ». Fort de cette expérience récente, n’importe qui serait au moins dubitatif devant un nouveau blanc-seing d’expert s’il s’agissait d’entreprendre un autre chantier en un lieu dont la nature des sous-sols poserait également problème.
Hé bien ce n’est pas le cas du maire de La Rochelle qui, s’appuyant seulement sur des rapports d’expert autrement dénommées études d’impact, certifie l’innocuité du brassage des boues de la baie nécessaire à l’agrandissement du port de plaisance. L’association écologiste Robin des bois a pourtant alerté sur la pollution des boues draguées8 , et précédemment sur la nature radioactive des déchets déversés par l'usine par Rhône-Poulenc (devenu Rhodia depuis 1998) entre 1947 et 19939 .  Seulement l'étude de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) conclut au risque extrêmement faible d'exposition à la radioactivité des ouvriers chargés de draguer la zone d'extension. Mais si là encore les experts se trompent, il ne s’agira pas de maitriser des pollutions sur terre dans un espace relativement confiné comme ce fut le cas lors du chantier du Parking Saint-Nicolas, mais de gérer les conséquences d’une éventuelle catastrophe écologique en mer, dans un milieu soumis aux vents et aux courants. Pour autant le Maire pourra encore une fois s’abriter derrière les différentes études d'impact effectuées au frais de la collectivité, et ce alors que le simple bon sens aurait pu lui faire abandonner ce projet pharaonique au profit d’alternatives moins onéreuses, tant en terme d’étude préalable que de réalisation.

Opération de dragage dans le Vieux Port
Opération de dragage dans le Vieux Port

Ces quelques exemples, que l’on pourrait démultiplier10 , démontrent que le jeu de la municipalité consiste donc à faire croire aux citoyens rochelais que la majorité locale n’a de cesse de placer la préservation de la qualité de vie au premier rang de ses préoccupations dans l’élaboration de ses projets. En fait, il semblerait que ce soit plutôt les intérêts économiques qui guident les élus dans leur majorité, et ce quelles que soient les conséquences vis-à-vis de l’intérêt général. C’est ainsi que lorsque ce dernier subit les dommages collatéraux des desseins municipaux, la mairie se réfugie habilement derrière tel ou tel pour atténuer sa responsabilité. Mais ce jeu de dupes trompe de moins en moins les médias locaux et les associations citoyennes. Cependant, une telle prise de conscience ne sera utile que sil elle se traduit en une modification de la politique menée actuellement par la ville. Et cela parait difficile avec la majorité des élus de l’équipe municipale en place tant celle-ci se montre déterminée à faire avancer ses projets, contre vents et grosses marées. Néanmoins, seuls les rochelais sont en mesure d’en finir avec ce jeu de dupe, et ce en se rebellant à chaque occasion où ils ont la possibilité d’influer sur le destin de leur ville.







1 Christiane POULIN, « Salles obscures high-tech », Sud Ouest, 5 juin 2010 – http://www.sudouest.fr/2010/06/05/salles-obscures-high-tech-109603-1391.php

2 « Le Piéton », Sud Ouest, lundi 22 novembre 2010, page 15.

3 Christiane POULIN, « Dragon : couleur CGR », Sud Ouest, le vendredi 29 Janvier 2010.

4 Christiane POULIN, « Don Carlo-Villazon chante pour vous », Sud Ouest, 18 août 2010 – http://www.sudouest.fr/2010/08/18/don-carlo-villazon-chante-pour-vous-163280-1391.php

5 « Les PPRT de La Pallice : le coup du grand écart », sur L’alternative rochelaise.

7 Pierre-Marie LEMAIRE, « Avis de gros temps pour Maxime Bono », Sud Ouest, le 20 octobre 2010 – http://www.sudouest.fr/2010/10/20/avis-de-gros-temps-216355-650.php

8 Thomas BROSSET, « Des boues vraiment inertes ? », Sud Ouest, lundi 22 novembre 2010.

9 Robin des Bois, « La radioactivité naturelle technologiquement renforcée », décembre 2005, page 32 à 38 – http://www.robindesbois.org/dossiers/rad_nat_techno.pdf

10 Dans cette optique, je ne saurai trop vous conseiller la consultation des autres articles de ce site : cliquez ici.




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