Mise à jour effectuée le 7/01/2011.

Debout contre
la LGV

Depuis peu, les avocats du projet ferroviaire de Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique promettent aux résidants de la Charente-Maritime monts et merveilles en termes d’emplois et de retombées économiques. Pourtant à y regarder de plus près, on a tendance à penser que toute cette communication positive n’est là que pour éviter que les Charentais-Maritime ne s’intéressent de trop à la LGV, et ne trouvent de bonnes raisons d’être solidaires de leurs voisins plus ou moins lointains qu’y s’y opposent.

Tracé de la LGV en Charente-Maritime
Tracé de la LGV en Charente-Maritime

Associé à la Caisse de Dépôts via sa filiale CDC infrastructure, et à AXA Private Equity, VINCI (environ 80 % du capital), qui a été retenue pour être le concessionnaire de la ligne SEA (Sud Europe Atlantique), pilote le projet et a créé trois filiales : Liséa, Méséa et Coséa. Alors que Liséa est la société concessionnaire attributaire de la ligne Tours-Bordeaux, Méséa est en charge du contrat d’exploitation et de maintenance, et Coséa est le groupement d’entreprises qui s’occupe de la conception et de la construction. Ce dernier avec l’Etat, le Conseil Régional et Pôle Emploi, se sont engagés à créer entre 1 000 et 1 500 emplois nouveaux sur la région grâce à la LGV, et Dominique BUSSEREAU d’envisager 6 000 emplois indirects de Tours à Bordeaux1, alors que quelques mois plus tôt sa profession de foi pour les Régionales en promettait « 60 000 en 5 ans », pas moins !
Il est utile de préciser que ces emplois dureront dans le meilleur des cas le temps de la construction de cette nouvelle ligne, mais plus certainement « six mois, un an, voire plus, selon la compétence et la mobilité des salariés2 ». Mais les Charentais-Maritime qui sont déjà « mobiles » n’ont pas attendu la LGV pour trouver un emploi, et ceux qui ne le sont pas n’ont donc pas grand-chose à attendre de la LGV.

Si les promesses d’emplois (en CDD ou pour de futurs expatriés) sont plutôt de saison en ces temps de période préélectorale, les retombées pratiques et économiques à long terme, pour les Charentais-Maritime notamment, sont loin d’être évidentes. Et ce malgré un lourd engagement des finances publiques, à travers la décision des élus des collectivités locales, qui lui est bien réel.

Marquage pour la LGV
Exemple de marquage de la ligne LGV SEA photographié le dimanche 9 janvier 2011 à Duret, commune girondine limitrophe de la Charente-Maritime.
Que vont devenir les propriétés en arrière plan ?

Tout d’abord le site internet consacré à cette LGV nous promet un trajet3 entre La Rochelle et Paris ramené à 2 h 25. Mais il nous indique en parallèle que le temps mis pour parcourir cette distance avec les moyens ferroviaires actuels est de 2 h 40. L’expérience, et un détour sur le site de la SNCF4, nous rappellent que la capitale est au mieux à 2 h 52 de la belle et rebelle, voir plus généralement à plus de 3 heures. Lorsque la situation présente est enjolivée à ce point, on ne peut qu’être sceptique sur les projections affichées.

Ensuite il est utile de préciser qu’à l’occasion de cette LGV, pour la première fois en France, les rails français sont ouverts au privé. Le partenariat public privé (PPP) permet d’associer une entreprise privée au financement et à la réalisation d’infrastructures et d’équipements publics. Mais à défaut d’association, il s’agirait plutôt d’une opération où l’entrepreneur privé, en l’occurrence le groupement Liséa, tire tous les bénéfices avec la complicité des pouvoirs publics et de certains élus en attente de renvois d’ascenseurs plus ou moins glorieux5, et ce au frais des contribuables. Ce PPP a d’ailleurs été renommé « partenariat pigeon plumé6 » par le président d’ATTAC Charente…

De plus, il faut savoir que cette LGV ne fera que traverser l’extrême sud-est de la Charente-Maritime sans s’y arrêter7. Cela n’empêche pas la Communauté d’agglomération de la Rochelle, dont l’une des communes la plus proche sera encore à plus de 130 km des rails de la LGV posés dans le département, d’engloutir plus de 8 millions d’euros (M€) dans cette affaire. A titre de comparaison, un peu moins de la moitié de cette somme (3,6 M€) permettait de subventionner la construction de 437 logements sociaux en 2010 dans l’agglomération8.

En ce qui concerne le Conseil Général de la Charente-Maritime, le montant des crédits votés9 par les élus afin de contribuer à l’édification de cette LGV s’élève pour la seule année 2011 à 3,5 M€, soit plus que l’enveloppe destinée au financement du logement social (3 M€), ou celle prévue pour les travaux de confortement des digues à la suite de Xynthia (3,29 M€). Au total, la part départementale s’élèvera à plus de 27 millions d’Euros10 ! Pour se donner un ordre d’idée, les élus du Conseil général de la Charente-Maritime ont donc décidé à l’unanimité d’investir dans cette seule LGV deux années de budget consacré au logement (14,4 M€ en 2011), ou trois années de budget destiné au fonctionnement et à l’entretien des collèges (10 M€ en 2011)…

Et tout ça alors qu’après la construction de la LGV, les charentais-maritime tireront autant d’avantage de cette nouvelle ligne que les vaches en ont à regarder passer les trains !

Maraquage de la LGV en forêt
De l'autre côté de la départementale 142,
c'est une maison et de nombreux arbres qui seront sacrifiés.
Les marquages de la ligne LGV SEA sont à l'extrémité des flèches rouges.

On pourrait se rassurer en se disant que le département contribue au développement des infrastructures nationales. Mais même de ce point de vue le projet est loin d’être vital et prioritaire étant donné que les voies ferrées existantes pourraient accueillir le trafic ferroviaire pendant encore au moins un demi-siècle11. De plus, le transport de voyageurs à grande vitesse sur le rail n’est pas une solution écologique étant donné sa voracité énergétique, et le fait qu’elle ne contribuera pas à diminuer le nombre de camions sur les routes. Enfin, les lignes à grande vitesse ne sont peut-être pas le moyen de transport le plus adapté pour satisfaire l’intérêt général en ces temps de crise puisqu’une étude récente12 nous a appris que le prix moyen du TGV a augmenté deux fois plus vite que l’inflation depuis 2002.

On sait donc depuis 2006 que l’amélioration et la modernisation du réseau existant est suffisant à satisfaire le trafic pendant encore quelques temps13, en permettant des gains de temps et en conservant, voir en retrouvant, des liaisons de proximités. Pourtant, dès octobre 2008, le Conseil Général de Charente-Maritime a adopté à l’unanimité, et dans un silence médiatique total en ce qui concerne le département alors qu’il s’agit de l’argent de ses contribuables, un rapport relatif à la « contribution au financement d’opérations ferroviaires » qui comprenait notamment « la contribution au financement de la branche Tours – Bordeaux de la Ligne à grande vitesse Sud Europe – Atlantique14 ». Plutôt que de plier sans broncher au dictat étatico-européiste, et ainsi participer à un projet contreproductif puisqu’il n’aura pour conséquence que d’accélérer la traversée du département, les élus du Conseil Général aurait été mieux inspirés d’au moins manifester leur désapprobation formelle, voir de proposer des alternatives d’investissement afin de faciliter les déplacements de proximité des résidants de Charente-Maritime.

« Sur la ligne C du RER que connaissent tous les franciliens, en 2010, les pannes du réseau des voies ont augmentées de 50 % parce que le réseau vieillit. Il est donc urgent de faire des travaux sur le réseau actuel. Et je me permets de dire que moi je suis un militant du réseau actuel avant même de penser à l’extension du réseau, c’est-à-dire l’agrandissement du réseau vers les lignes à grande vitesse. »
Guillaume Pépy, président de la SNCF, invité du Grand Jury RTL le dimanche 9 janvier 2011.

L’Europe, l’État, Réseau Ferré de France, certains grands élus ou d’autres anciens ministres n’ont que faire des protestations du peuple15. Ils veulent donc nous imposer un projet inutile qui tracera de grandes saignées sur l’intégralité du territoire et conduira à l’expropriation de centaines de foyers dans une bande de 500 mètres de large à l’intérieure de laquelle s’inscrit le tracé de la ligne ferroviaire (1 300 habitations concernées rien que pour le Pays Basque16), et ce pour seulement profiter à une petite partie de la population, à savoir des européens argentés en voyage d’affaires ou d’agrément. Et malgré que ce projet ne concerne qu’une vingtaine de kilomètres de voie pour ce qui est de la Charente-Maritime17, l’ensemble de ses élus y font néanmoins contribuer le budget du département à une hauteur non négligeable sans même prendre la peine d’informer l’ensemble des administrés sur les tenants et les aboutissants de cette LGV. Seuls les emplois créés le temps de la construction ont dernièrement fait l’objet d’une vaste campagne de communication, sûrement parce que c’est le seul avantage temporaire, mais chèrement payé par la collectivité, qu’il faille en espérer.






1 Stéphane URBAJTEL, « La LGV embauche 1.300 Picto-Charentais », La Charente Libre, 5 janvier 2011 – http://www.charentelibre.fr/2011/01/05/la-lgv-embauche-1-300-picto-charentais,1014499.php

2   Vincent BUCHE, « LGV : les premiers emplois devraient voir le jour en 2012 », Sud Ouest, 6 janvier 2011 – http://www.sudouest.fr/2011/01/06/lgv-les-premiers-emplois-devraient-voir-le-jour-en-2012-282992-757.php

5 « Gangster c'est dépassé, investissez dans un PPP », LGV signal d’alarme, samedi 16 octobre 2010 – http://lgv.limogespoitiers.info/limposture/financiere/1169-gangster-cest-depasse-investissez-dans-un-ppp.html

6 Stéphane URBAJTEL, « Attac dénonce le montage financier de la LGV », La Charente Libre, 11 décembre 2010 – http://www.charentelibre.fr/2010/12/11/attac-denonce-le-montage-financier-de-la-lgv,1011075.php

8 Conseil Communautaire de la Communauté d’Agglomération, jeudi 25 novembre 2010 – http://www.agglo-larochelle.fr/gestion/actualites/documents/doc_606.pdf

10 « LGV TOURS-BORDEAUX : convention de desserte et de financement », CONSEIL RÉGIONAL D’AQUITAINE SEANCE PLÉNIÈRE du lundi 25 octobre 2010, page 13 –  http://www.accril.fr/spip/IMG/pdf/delib_CRA_lgv_Bx-Tours_officiel.pdf

11 Expertise indépendante du projet ferroviaire Bordeaux-Espagne, SMA – ProgTrans, 12 décembre 2006 – http://www.voiesnouvellestgv.webou.net/document/resume_expertise.pdf

12 Renaud HONORE, « Le prix moyen du TGV a augmenté deux fois plus vite que l'inflation depuis 2002 », Les Echos, 16 novembre 2010 – http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/auto-transport/actu/020927615183.htm

13 Expertise indépendante du projet ferroviaire Bordeaux-Espagne, Ibidem.

14 Conseil Général de la Charente-Maritime, Rapport d’activité des services, 2009, page 4.

15 Collectif des Associations pour la Défense de l'Environnement (CADE) regroupant 43 associations anti-LGV au Pays Basque : http://www.voiesnouvellestgv.webou.net/accueil.htm ; Dans le Limousin : http://lgv.limogespoitiers.info/

16 Goizeder TABERNA, « LGV: Plus de 1300 maisons touchées », Le journal du Pays Basque, 23 janvier 2010 – http://www.lejpb.com/paperezkoa/20100123/178907/fr/LGV-Plus-1300-maisons-touchees

17 Conseil Général de Charente-Maritime, DOSSIER DE PRESSE LGV SUD EUROPE-ATLANTIQUE / HAUTE SAINTONGE, page 3 – http://charente-maritime.fr/CG17/upload/docs/application/pdf/2010-03/dp_lgv_du_14012010.pdf




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