Mise à jour effectuée le 26/03/09.

Bono censure Dieudo

et ignore ce qui le dérange…

Les propos du député-maire Maxime Bono au sujet de la déprogrammation du spectacle de l'humoriste Dieudonné, prévu le 17 avril à l'Espace Encan de La Rochelle, ont été rapportés par le quotidien Sud-Ouest du mardi 24 mars 2009 : « Je peux vous dire que M. Dieudonné ne mettra pas les pieds à La Rochelle. Quand on a eu Léonce-Vieljeux pour maire, arrêté et mort en déportation, un homme qui fait monter sur scène Robert Faurisson [négationniste] n'a rien à faire ici. C'est un trouble à l'ordre public. »

Dieudonné à l'Encan

Il est remarquable que le maire socialiste fasse référence à une argumentation souvent brandie par la majorité pour justifier les réformes que l’opposition dénonce par ailleurs. Réunis le 22 mars au Zénith, quelques socialistes ont établi le constat suivant : « La droite veut brider la parole des parlementaires, elle empiète de plus en plus sur l'indépendance des magistrats, pourchasse les militants associatifs et cherche à contrôler les médias ».

Il serait malvenu et paradoxal que, pour les meilleures raisons du monde, la gauche en vienne à compléter l’œuvre de la droite. Je ne sais pas si Mr BONO était un des rares socialistes à être présent au Zénith, mais quoi qu’il en soit, il semblerait que la voix de Martine AUBRY n’est pas portée au-delà du mur d'enceinte gothique flamboyant de l’hôtel de ville de La Rochelle. Alors, une fois n’est pas coutume, je vais reproduire ici un extrait du discours prononcé à l’occasion par la première secrétaire qui me parait fort à propos : « (…) nous n’accepterons pas que, sous quelque prétexte que ce soit, l’on brime les libertés pour soi-disant résoudre les problèmes de notre pays. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd’hui1. »

Alors qu’outre atlantique Barack Obama ne parle plus que de dialoguer avec la Syrie, l’Iran, et même avec les Talibans modérés2, ici on invoque les troubles à l’ordre public (quels troubles ?) pour couper court à la controverse. Mais si certains pensent qu’il suffit, par exemple, de permettre la construction de mosquées pour œuvrer à l’intégration des différentes composantes de la société dans le creuset national, ils commettent une lourde erreur. Lorsque votre voisin vous adresse la parole et que vous ne voulez pas l’entendre, alors il se met à hurler, voir à verser dans la provocation, et vous vous croyez en droit d’en appeler à l’ordre public pour le réduire au silence. Mais l’ordre public était déjà troublé bien avant ce cri par une situation considérée comme injuste par celui qui la dénonçait. Seulement, se plaisant à croire que cette situation ne concerne pour l’instant que la minorité qui s’en plaint, les représentants de la majorité qui ne s’en plaint pas pensent bâillonner un trublion alors qu’ils ne font qu’entraver la liberté d’expression. Le risque est qu’ils se fassent ainsi les complices de la dégénérescence d’une situation, et que le mal-être de la minorité en question en vienne à gangrener le relatif bien-être d’une majorité déjà mis à mal par la crise actuelle.  

« Les artistes disent aussi, et souvent plus fort que d’autres et c’est sûrement pour cela que la culture n’est pas aimée par ceux qui n’aiment pas la liberté, ce qui fait mal. Ils nous disent pourquoi cette société est violente, ils nous disent pourquoi cette société est inégalitaire et ils sont là, aujourd’hui, avec nous tout simplement parce que nous défendons la même République et que nous avons envie d’une société plus douce. »  
Discours de Martine AUBRY – Printemps des libertés – Zénith – le 22 mars 2009.

Dans le même quotidien, Maxime BONO témoignait de sa relation humaine et professionnelle avec le maire précédent, Michel Crépeau. Et à l’occasion du « seul sujet de désaccord » dont il dit se souvenir, il conclut : « C'est lui qui a eu raison. Normal, c'était le maire. »
J’ose espérer qu’il s’agissait là d’une conclusion teintée d’ironie, parce que l’exemple suivant semble confirmer qu’il ne suffit pas d’occuper une fonction pour forcément avoir raison. C’est ainsi que le Sud-Ouest du lendemain relate les positions de Maxime BONO sur l'état d'avancement du projet de liaison entre Fontenay-le-Comte et Rochefort (A 831) lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale : « Le dossier (…) a fait l'objet d'un consensus très large entre tous les acteurs : les élus du Département, de la Région et les différentes collectivités concernées ainsi que de nombreuses associations. » La mairie est donc si isolée de l’extérieur qu’elle n’entend pas non plus les plaintes du collectif d’association, de la majorité des conseils municipaux directement concernés par le projet, et de nombre d’élus qui y sont opposés3

Maxime Bono déclarait récemment à propos de Michel Crépeau : « Souvent, quand j'ai une décision à prendre, je me demande : qu'est ce qu'il aurait dit à ma place ? » Eh bien c’est le moment ou jamais de se demander ce qu’aurait dit le pionnier de l’écologie urbaine au sujet de ce projet d’autoroute incompatible avec le Grenelle de l’environnement et le « nouvel art de vivre4» qu’il aimait à prôner.

Pour juger du bien-fondé des positions des uns et des autres, et ce quel que soit le sujet, encore faut-il que les différentes parties puissent s’exprimer, et qu’ensuite on accepte de les entendre.






1 DISCOURS DE MARTINE AUBRY - PRINTEMPS DES LIBERTES - ZENITH – LE 22 MARS 2009 – http://discours.parti-socialiste.fr/2009/03/22/discours-martine-aubry-printemps-des-libertes/

2 Barack Obama et la question afghane : doux rêveur ou réaliste ?, par Allain Jules – http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=52784

4 CREPEAU Michel, entretien avec Laurent Zechini, Demain n’est pas un autre jour, Paris, Hachette, 1979.





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